Alors que débute officiellement la campagne pour la présidentielle de 2024 en Indonésie, le président sortant, Joko Widodo, dont le second mandat arrive à échéance l’année prochaine, semble prêt à tout pour s’assurer que la marque de ses dix ans au pouvoir, notamment caractérisés par une stratégie de développement industriel au pas de charge, survive à la fin de sa carrière politique. L’actuel chef de l’Etat ne peut se représenter une troisième fois.
Pour atteindre cet objectif, « Jokowi », comme tout le monde l’appelle en Indonésie, a pris deux étonnantes décisions : d’abord, de soutenir la candidature de celui qui fut son rival malheureux aux deux dernières présidentielles, l’ancien officier des forces spéciales, Prabowo Subianto – un homme qui traîne derrière lui une sinistre réputation de militaire aux mains sales – ; ensuite le président a choisi de propulser son propre fils, Gibran Rakabuming Raka, comme colistier pour le poste de vice-président aux côtés de Prabowo, ce dernier étant par ailleurs ministre de la défense au sein du gouvernement de Joko Widodo.
Longtemps accusé de crimes contre l’humanité par les ONG et des gouvernements étrangers, dont celui des Etats-Unis, ce haut gradé, qui fut le gendre du dictateur Suharto jusqu’à sa chute, en 1998, a enregistré, mercredi 25 octobre, jour de clôture des nominations, sa candidature et celle du « ticket » qu’il formera avec le fils du président.
S’assurer le soutien des électeurs de « Jokowi »
Elu en 2014, puis réélu en 2019, « Jokowi » continue d’afficher une cote de popularité au zénith, estimée à 70 %. En choisissant le fils du président comme potentiel vice-président, Prabowo, qui est pour l’instant en tête des sondages, cherche à s’assurer du soutien d’une grande partie des électeurs de Jokowi, notamment ceux du fief présidentiel de Surakarta, la grande ville du centre de Java, où le chef de l’Etat sortant commença sa carrière – et dont Gibran est le maire depuis 2021. Pour que ce ticket improbable puisse voir le jour, il a fallu que la Cour constitutionnelle décide, le 16 octobre, d’autoriser des candidats à la vice-présidence en dessous de l’âge légal de 40 ans (Gibrang a 36 ans). La cour a donc créé une exemption pour ceux qui exercent déjà une fonction d’élu régional, ce qui est le cas du fils du président.
Cette décision, cousue de fil blanc, a fait redoubler les soupçons de « Dynasty politiks » à l’encontre du président. D’autant plus que la Cour suprême avait déjà été critiquée pour avoir levé opportunément, en 2020, l’interdiction faite aux enfants de président de se présenter à des postes de gouverneurs régionaux. Que l’un des juges de la cour ne soit autre que le beau-frère de « Jokowi » et l’oncle de Gibran n’a pas arrangé les choses. Si « Jokowi » n’a pas explicitement annoncé son soutien au tandem Prabowo-Gibran, celui-ci ne fait pas l’ombre d’un doute. La Coalition pour une Indonésie de progrès, qui regroupe les différents partis soutenant le candidat Prabowo, a, en outre, reçu le 24 octobre le soutien officiel d’une nouvelle formation politique destinée à la jeunesse et dirigée depuis septembre par… le fils cadet de « Jokowi », Kaesang Pangarep, âgé de 28 ans. Soixante pour cent des électeurs indonésiens ont moins de 39 ans.
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