C’est finalement un petit miracle. Malgré la dépression historique qu’elle a connue, la Grèce est aujourd’hui un pays stable, pro-européen. Alors que l’agence de notation américaine S&P a sorti la Grèce de son statut de junk bond (« obligation pourrie »), c’est-à-dire la catégorie la plus risquée, vendredi 20 octobre, symbole d’un vrai début d’amélioration, le constat mérite de s’y arrêter.
Le choc économique a été exceptionnel, de quoi faire émerger les pires noirceurs de l’histoire : la chute du produit intérieur brut (PIB) de 28 % entre 2008 et 2016 a été de la même ampleur que la dépression américaine de 1929, mais elle a duré deux fois plus longtemps. Aujourd’hui encore, l’économie demeure 20 % au-dessous de son niveau de 2007. La population reste très largement plus pauvre qu’elle ne l’était il y a quinze ans, les services publics, en particulier les hôpitaux, sont exsangues et un demi-million d’habitants ont émigré.
« Si je vous avais dit en 2008 que l’économie connaîtrait une telle chute, que notre politique s’approcherait du précipice [en flirtant avec la sortie de l’euro], mais que la société finalement tiendrait, ça aurait été dur à croire », témoigne Dimitri Papalexopoulos, le président du SEV, le patronat grec. A l’écouter, l’expérience de la Grèce est celle d’un pays qui a « essayé le populisme » et qui en est revenu. « Nous avons aujourd’hui l’un des premiers gouvernements postpopulistes, continue M. Papalexopoulos. Kyriakos Mitsotakis [l’actuel premier ministre de centre droit] a été élu en 2019 sur la base de sa compétence et réélu sur sa compétence. »
Crise, à qui la faute ?
Ce portrait flatteur du leader du gouvernement grec doit être relativisé. M. Mitsotakis a été éclaboussé pour avoir mis sur écoute des journalistes et des opposants. Un drame ferroviaire qui a fait 57 morts a mis en évidence une administration des chemins de fer encore sclérosée. Son administration a mal fait face aux feux et aux inondations, cet été.
Il n’empêche. Dans un pays qui n’a émergé de la dictature qu’en 1974, il n’était pas difficile d’imaginer un scénario alternatif, où la Grèce serait sortie de l’euro en 2015 et se serait retrouvée, quelques années plus tard, plus ou moins alignée avec la Russie ou la Chine. Rien de tout cela ne s’est produit. Aujourd’hui, à la question « la crise était-elle la faute de la Grèce ou de l’Union européenne (UE) ? », la vaste majorité des Grecs répondent que leur pays doit d’abord être blâmé, même si la rigueur excessive imposée par l’UE a ensuite empiré les choses. A posteriori, l’envolée de la croissance de 2000 à 2008, à coups de dépenses publiques et de retraites offertes dans certains cas dès la quarantaine, est reconnue par la population comme une bulle qui ne pouvait pas durer.
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