Au Xinjiang, la terreur s’estompe, la répression et la peur demeurent

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Dans un parc récemment inauguré à Kachgar, dans la province du Xinjiang (Chine), le 1ᵉʳ mai 2023. Au centre, une statue représentant deux mains tenant une grenade, symbole de l’unité chinoise.

Nous sommes vendredi. Jour de prière. Des centaines de Chinois pénètrent par petits groupes dans la célèbre mosquée Id Kah, au cœur de la vieille ville de Kachgar, cette antique cité située au sud du Xinjiang, immense et lointaine région de la République populaire de Chine. Mais de tous ces hommes, ces femmes et ces jeunes qui suivent un jeune guide brandissant un drapeau, aucun n’est venu ici pour des raisons religieuses. Tous sont des touristes et ils ont dû acquitter un droit pour entrer.

Depuis quelques mois, la mosquée n’est plus un lieu de culte mais une simple destination touristique. L’immense salle prévue pour la prière reste vide. Interrogés, deux responsables confirment, gênés, qu’aucun culte n’est prévu ce jour-là. Pourtant, les musulmans n’ont pas disparu : profitant d’un dernier soleil d’automne, une vingtaine d’hommes et quelques femmes, souvent âgés, restent assis sur les murets qui font face à ce bâtiment sacré sur lequel flotte désormais un drapeau chinois et dans lequel ils n’osent plus pénétrer.

Ainsi va la vie à Kachgar. En apparence, tout y est normal. Les commerçants commercent, les petits vieux regardent le temps passer et, à l’heure de la sortie de l’école, les enfants, foulard rouge autour du cou, transforment la vieille ville en une gigantesque cour de récréation. Mais, en fait, nombre de boutiquiers ne cherchent pas vraiment à attirer le chaland, les petits vieux ont l’air triste et la plupart des gamines ont des cheveux coupés étonnamment court. S’il leur arrive de sourire aux étrangers, certains refusent souvent de leur parler, en esquissant parfois un petit geste de la main que l’on traduit volontiers par « vous me comprenez n’est-ce pas ? »

Camps de prisonniers

Ville majeure d’Asie centrale durant des siècles, bâtie à l’orée du grand désert du Taklamakan, Kachgar est, depuis quelques années, au cœur de la répression exercée par la Chine sur le Xinjiang. L’ancien Turkestan oriental était, jusqu’à ces dernières décennies, surtout peuplé de Ouïgours (environ 12 millions aujourd’hui), avant que le Parti communiste n’y envoie des millions de Han, l’ethnie ultramajoritaire dans le pays, afin d’y exploiter le pétrole et de « siniser » cette région rebelle, géographiquement plus proche de Téhéran ou de la Turquie que de Pékin.

Plusieurs attentats, commis notamment à Pékin en 2013, ainsi qu’à Urumqi, capitale du Xinjiang, et à Kunming (province du Yunnan) l’année suivante, ont conduit les autorités à une répression extrêmement brutale, en invoquant la menace de séparatistes et de djihadistes ouïgours. Le Parti islamique du Turkestan, ultraminoritaire, qui a prêté allégeance à l’organisation Etat islamique, prône la guerre sainte contre la Chine depuis 2016.

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