Guilherme Casaroes est professeur à la Fondation Getulio Vargas et spécialiste en relations internationales. Il analyse la politique étrangère du président de gauche, Luis Inacio Lula da Silva, qui a proclamé le « retour du Brésil » sur la scène géopolitique mondiale.
Lula peut-il avoir un rôle dans la guerre entre Israël et le Hamas ?
Il a plusieurs cartes en main. Le Brésil a une longue tradition de médiation dans les conflits et, actuellement, il préside le G20 [dont il doit accueillir le prochain sommet, à Rio, en novembre 2024] ainsi que le Conseil de sécurité des Nations unies. Lula, qui était déjà au pouvoir de 2003 à 2011, connaît personnellement les acteurs de ce conflit et il a une certaine maîtrise du dossier. Ses déclarations ont été équilibrées : il a qualifié de « terroristes » les attaques du Hamas, a exprimé sa solidarité envers les victimes israéliennes, tout en appelant à une intervention humanitaire internationale pour venir en aide aux civils de Gaza. Lula souhaite que l’ONU prenne des mesures concrètes et que davantage de pays s’impliquent dans la résolution de ce conflit.
Lorsque Lula avait tenté de jouer les médiateurs dans la guerre en Ukraine, ses déclarations, jugées favorables à la Russie, ont indigné les Occidentaux. Comment expliquer sa position sur ce conflit ?
Il y a d’abord eu une forme d’improvisation. Au cours des mois qui ont suivi [l’invasion russe de l’Ukraine, le 24 février 2022], Lula était accaparé au Brésil par la campagne présidentielle. Et face à cette guerre, dont il n’avait anticipé ni l’ampleur ni la durée, il n’a pas eu le temps de structurer sa pensée. Dans la précipitation, il s’est contenté de répéter le point de vue émis par les cadres historiques de sa formation, le Parti des travailleurs (PT), c’est-à-dire une vision anti-impérialiste très hostile aux Etats-Unis, découlant du soutien de Washington aux régimes dictatoriaux d’Amérique latine par le passé. Selon cette vision, grosso modo, Vladimir Poutine n’a fait que répondre aux menaces expansionnistes de l’OTAN. Ce paradigme a servi de base d’analyse à Lula, qui a alors eu des mots très durs à l’encontre du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, en particulier dans cet entretien accordé, en mai 2022, au magazine Time lors duquel il a déclaré : « Ce type est aussi responsable [de la guerre] que Poutine. »
Il y a ensuite une autre dimension à prendre en considération, liée à la diplomatie brésilienne. En lançant [en février] l’idée d’un « groupe de la paix », rassemblant des pays soucieux de trouver « une solution pacifique », Lula pose le Brésil comme un médiateur naturel des crises mondiales. C’est là une vocation historique de l’Itamaraty, le ministère des affaires étrangères brésilien. Ses diplomates se sont toujours attribué le rôle de faiseurs de paix, d’intermédiaires et de médiateurs dans les disputes territoriales, notamment en Amérique latine (comme entre le Pérou et l’Equateur). En adoptant la neutralité, Lula ne fait que s’inscrire dans cette tradition.
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