Assistante sociale dans un service de psychiatrie, Therese Wernholm a toujours fait le maximum pour aller chercher ses enfants le plus tôt possible à l’école. Aujourd’hui divorcée, elle travaille « comme une dingue » la semaine où le père a la garde, pour pouvoir terminer à 15 heures quand son fils de 12 ans est chez elle (la grande a 20 ans). Elle ne planifie donc jamais de rendez-vous après 13 heures. Ses supérieurs n’y trouvent rien à redire : « Nous avons un système d’heures flexibles. On doit être au travail de 9 heures à 14 h 30. Ensuite, peu importe qu’on commence à 7 heures ou qu’on termine à 19 heures. » Pour elle, finir tôt a toujours été une évidence : « Si je n’avais pas été avec mes enfants à ces moments-là, quelqu’un d’autre aurait dû s’en occuper et se serait chargé de leur éducation, avec ses propres valeurs. »
A partir de 15 heures, en Suède, les bureaux se vident. Dans le public comme dans le privé, les parents filent récupérer leurs enfants. Obligatoire à partir de 6 ans seulement, l’école finit en général à 14 heures. Jusqu’aux 13 ans de l’enfant, la garderie périscolaire, le fritid, prend alors le relais, jusqu’à 17 ou 18 heures. « Ce n’est absolument pas prestigieux de travailler tard, alors que ça l’est beaucoup plus d’aller chercher ses enfants le plus tôt possible », constate la journaliste et écrivaine Rebecka Edgren Alden. Elle y voit d’ailleurs « une ironie », rappelant qu’« une grande bataille a été menée dans les années 1960 et au début des années 1970, pour instituer un système de garde accessible à tous, afin que les femmes puissent travailler ».
Depuis, tous les petits Suédois de plus de 1un an ont donc le droit à une place en maternelle, pour laquelle les parents paient 140 euros par mois maximum, en fonction de leurs revenus. Aujourd’hui, plus de 85 % des bambins de 1 à 5 ans fréquentent une förskola (« école maternelle »). Alors pourquoi ce rush, tous les après-midi, pour aller les y récupérer le plus tôt possible ?
Surtout les mères
Rebecka Edgren Alden avance plusieurs explications. Elle mentionne, d’abord, un retour de bâton : « A mesure que l’égalité a progressé sur le marché du travail et à la maison, c’est comme si les femmes sentaient qu’elles devaient démontrer qu’elles étaient de bonnes mères, en préparant de bons petits plats ou en allant chercher leurs enfants tôt. » Car ce sont surtout elles qui s’arrangent pour venir les récupérer, même si, dans de nombreux couples, les parents se relaient. La journaliste y voit aussi la manifestation d’« un idéal très suédois », qui consiste à passer « le plus de temps possible » avec son enfant.
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