Une survivante du kibboutz de Kfar Aza témoigne : « Jamais je n’ai ressenti un désespoir aussi total »

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Barricade de fortune installée dans l’urgence par des résidents du kibboutz de Kfar Aza pour se protéger de l’attaque du Hamas menée le 7 octobre. Ici, le 10 octobre 2023.

[Elinor Bariakh vit dans le kibboutz de Kfar Aza, un village israélien situé à environ 5 kilomètres de la bande de Gaza. Cette communauté, comme certaines avoisinantes, est connue pour être composée de nombreux activistes pour la paix et pour avoir continué à maintenir des liens avec la population gazaouie malgré le blocus israélien. Elle a été parmi les plus touchées par l’attaque du Hamas menée le 7 octobre.

Elinor, qui travaille pour Larger Than Life, une organisation non gouvernementale israélienne proposant des activités récréatives à des enfants malades du cancer, a survécu, avec son mari et ses trois enfants, à l’attaque du 7 octobre. Ils se trouvent actuellement avec d’autres rescapés à l’hôtel du kibboutz de Shefayim, au nord de Tel-Aviv.

La parole d’Elinor a été recueillie, jeudi 12 octobre, par Myriam Darmoni Charbit – qui œuvre pour le dialogue interculturel et la réconciliation entre Palestiniens et Israéliens – à l’occasion d’un cercle de partage organisé en visioconférence et auquel ont participé environ 80 personnes de plusieurs communautés juives de la Côte est des Etats-Unis. Ses propos ont été recueillis en hébreu, traduits en anglais par Myriam Darmoni Charbit, puis en français par Valentine Morizot pour « Le Monde ».]

Témoignage. Vendredi soir [le 6 octobre], nous étions à Tel-Aviv pour les fêtes de Sim’hat Torah, et nous sommes rentrés tard à Kfar Aza. Tout a commencé le samedi matin, à 6 h 30. Nous nous sommes réveillés au son des sirènes. Ici, nous n’avons que quinze secondes pour nous mettre en sécurité. Il y avait énormément de missiles, c’était terrible. Mon mari, Sharon, est sorti une minute de l’abri, et, en rentrant, il m’a dit que quelque chose était en train de se passer. Nous avons entendu « Allah akbar ! » ; plus tard, nous avons compris que c’est exactement à ce moment-là qu’ils sont entrés dans le kibboutz et qu’ils ont tué les premières familles.

Il y a eu une brève accalmie dans les tirs de missiles et nous avons couru aux toilettes. Comme nous n’avons pas d’arme à feu, mon mari est allé chercher des couteaux à la cuisine. Nous avons verrouillé toutes les portes de la maison, pris une bouteille d’eau, et nous sommes retournés dans l’abri. Nous étions tous les cinq : notre fille de 19 ans et nos deux fils de 17 ans et 14 ans, ainsi que notre chienne.

Dans le kibboutz, nous avons beaucoup de groupes WhatsApp (des groupes de femmes, de mères d’enfants en bas âge par exemple), mais nous nous sommes presque tous retrouvés sur le groupe « Annonces de ventes d’occasion ». Certaines personnes commençaient à raconter des choses épouvantables sur les terroristes qui étaient entrés dans leurs maisons ; et puis, elles arrêtaient d’écrire. Un garçon de 9 ans a écrit à sa tante que ses parents s’étaient fait tuer dans l’abri et que lui s’était caché dans un placard avec sa sœur de 6 ans. Il a ajouté que sa sœur de 4 ans avait été enlevée. Plus tard, on nous a dit qu’elle avait été pendue et brûlée avec d’autres tout jeunes enfants. Pendant neuf heures, ce petit garçon s’est occupé de sa sœur, dans le placard, pour qu’elle ne fasse pas de bruit.

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