
« Le 10 octobre, cela fera trois ans que je suis arrivée à Chypre. J’ai déposé une demande d’asile, mais je n’ai toujours pas obtenu de rendez-vous pour un entretien », dit Paulette, une Camerounaise de 26 ans assise sur un banc de la vieille ville de Nicosie, où elle savoure son jour de congé hebdomadaire. Sur l’île méditerranéenne, la jeune femme, employée dans un fast-food, se sent « loin des menaces » qu’elle a vécues à Kumba, au Cameroun anglophone en proie à un conflit entre séparatistes et armée, et vit « mieux qu’au pays ». Mais elle se pose la question de « prendre l’option du retour volontaire », programme promu par le gouvernement chypriote : « Les compatriotes arrivés en même temps que moi ont été déboutés du droit d’asile. Le quotidien s’est dégradé, en raison de l’inflation, de la concurrence entre migrants, et du durcissement de la politique migratoire. »
Les rapatriements volontaires visent les étrangers nouvellement arrivés, et ceux dont la demande d’asile a été rejetée, à condition que leur présence soit toujours légale – ils sont autrement passibles d’expulsion, dont le taux à Chypre est le plus élevé de l’Union européenne (UE). Les ressortissants d’Afrique subsaharienne ont le droit, comme les Syriens, à la compensation la plus élevée – 1 500 euros – s’ils optent pour le retour, avec la prise en charge de leur billet d’avion. Cela s’explique par leur forte représentation ces dernières années : les Nigérians, les Camerounais, les Congolais de République démocratique du Congo (RDC) et les Somaliens constituaient en 2022 38 % des quelque 21 000 nouveaux demandeurs d’asile.
Les chiffres des arrivées sont minimes en comparaison d’autres pays du sud de l’Europe, comme l’Italie. Mais, à l’échelle de la partie sud de l’île divisée qui compte 915 000 habitants pour moins de 6 000 km2, l’afflux, en hausse depuis 2018, est jugé inquiétant par les autorités de Nicosie.
« Décision personnelle »
Une approche critiquée par les ONG, qui mettent en avant l’apport des migrants à l’économie et le besoin de protection des réfugiés. Le gouvernement, lui, dénonce la main de la Turquie derrière ces arrivées : la plupart des migrants franchissent, avec un passeur, la ligne de démarcation entre le nord de Chypre, contrôlé par la République turque de Chypre du Nord (RTCN, reconnue uniquement par Ankara), et le sud. Il estime avoir à faire, dans une majorité de cas, à des migrants économiques. Plus de 95 % des demandes d’asile ont été rejetées en 2022, un chiffre qui s’explique aussi par l’interruption pendant plus de deux ans de l’étude des dossiers des Syriens, au profil de réfugiés.
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