La Méditerranée centrale redevient la première porte d’entrée irrégulière en Europe

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Environ 8 500 migrants sont arrivés sur l’île italienne de Lampedusa en quelques jours seulement. Le ministre français de l’intérieur, Gérald Darmanin, était à Rome, lundi 18 septembre, pour évoquer la coopération européenne, alors que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé dimanche, de Lampedusa, un plan en dix points pour faire face à l’urgence de l’afflux de migrants vers l’Italie.

  • Des migrations vers l’Europe sans commune mesure avec celles de 2015

Les données de Frontex – l’agence européenne qui enregistre les entrées irrégulières dans l’Union européenne (UE) dans le cadre de sa mission de surveillance et de sécurisation des frontières – montrent que depuis le début de l’année 2023, le flux de migrants irréguliers à destination de l’UE (231 900 personnes) est du même ordre de grandeur que celui de l’année dernière (331 423 en 2022). Il est, en revanche, sans commune mesure avec les flux enregistrés en 2015, année où 1,8 million de migrants étaient arrivés en Europe.

On observe un net un regain d’activité de la voie maritime de la Méditerranée centrale, au départ de la Tunisie et de la Libye vers l’Italie : le nombre de migrants irréguliers dénombrés par Frontex est en constante hausse depuis 2019.

  • La Méditerranée centrale redevient la première porte d’entrée dans l’UE

Sur les huit premiers mois de l’année, Frontex enregistre 114 265 entrées irrégulières empruntant la voie maritime de la Méditerranée centrale pour rejoindre l’Union européenne. Cette route d’accès vers l’UE constitue depuis le début de l’année la première porte d’entrée de migration irrégulière avec près de la moitié (49,3 %) des 231 900 entrées, devant la route des Balkans (70 548 entrées), pourtant principal accès irrégulier à l’UE en 2022 (144 814 entrées).

Le nombre d’entrées irrégulières sur le territoire européen par cette voie centrale de la Méditerranée était deux fois plus important au moment de la crise migratoire européenne de 2015, avec 170 664 entrées en 2014, 153 946 en 2015 et 181 376 en 2016.

La baisse des passages par cette route maritime s’est amorcée à partir de 2017, avec l’établissement d’un centre de coordination de sauvetage maritime à Tripoli à la fin de 2016 à l’initiative d’aides et de formations de l’UE allouées aux gardes-côtes libyens. L’objectif étant de responsabiliser la Libye dans ses eaux territoriales et une partie des eaux internationales, l’obligeant ainsi à rapatrier les migrants secourus en Libye, alors que les gardes-côtes italiens les conduisaient jusque-là sur la rive européenne de la Méditerranée.

Lire le récit : Article réservé à nos abonnés Comment l’UE a fermé la route migratoire entre la Libye et l’Italie

Un accord entériné par le Conseil européen a été signé en février 2017 entre le gouvernement italien et la Lybie pour financer, équiper et former les gardes-côtes libyens afin qu’ils procèdent eux-mêmes à l’interception des bateaux de migrants. Le nombre de migrants illégaux interpellés a drastiquement chuté, passant de 114 492 en 2017 à 23 485 en 2018, et à un plancher de 14 003 en 2019.

Malgré des enquêtes institutionnelles, de médias ou d’ONG mettant en cause Frontex pour violation des droits et atteinte à la sécurité des migrants en aidant les gardes-côtes libyens à renvoyer les migrants en Libye, les condamnant à la détention, la torture ou l’esclavage, cet accord a déjà été reconduit à deux reprises.

  • Des migrants nord et ouest-africains, mais aussi une nouvelle filière asiatique

En 2023, entre janvier et juillet, plus de la moitié des migrants irréguliers recensés sur cette route (56,7 %) proviennent d’Afrique subsaharienne, principalement de Guinée et de Côte d’Ivoire, représentant plus du quart des passages par cette route, respectivement 14,1 % et 13,7 %.

Financements et accords européens n’auront réussi à s’imposer qu’un temps face au chaos institutionnel libyen, d’autant que les départs à partir de la Cyrénaïque, région de l’est de la Libye, se sont multipliés ces dernières années. En témoigne l’apparition récente d’Egyptiens (première nationalité représentée sur cette route en 2022, représentant 20,2 % des migrants cette année-là), mais aussi de Bangladais (troisième nationalité en 2022 avec 14,6 % des flux et cinquième nationalité en 2023).

Cette filière « est-libyenne » contourne la difficulté croissante d’accéder à la Grèce par la route de la Méditerranée orientale ; Pakistanais, Syriens et Afghans viennent s’ajouter de manière significative aux Bangladais.

Côté tunisien, plusieurs ONG observent un nombre croissant de départs vers l’Europe, à la faveur d’une météo plus clémente et d’une chute du coût de la traversée, moins de 500 euros en 2023, contre près de 2 000 euros en moyenne en 2022. L’Organisation internationale pour les migrations rappelle que cette route migratoire de Méditerranée centrale est la plus dangereuse au monde, comptant déjà plus de 1 800 morts ou disparus depuis le début de 2023.

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