En cette terre des deux lieux saints de l’islam, officie le « grand rabbin d’Arabie saoudite ». Jacob Herzog s’est arrogé ce titre il y a deux ans. Dans les rues de Riyad, ce juif hassidique du courant Habad ne passe pas inaperçu avec sa longue barbe et son costume typique des juifs orthodoxes. Il se plaît même à diffuser des vidéos de lui dansant dans la rue avec des Saoudiens, riant de cette rencontre incongrue.
Le quadragénaire, natif de New York, parti à un jeune âge en Israël, avait déjà sillonné l’Iran et la Malaisie lorsqu’il a entendu parler, en 2018, de Neom, la cité futuriste en chantier dans le nord-ouest du royaume, dont le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salman, entend faire la vitrine de ses ambitions modernisatrices et qui, à cette fin, pourrait obtenir un statut extraterritorial. « Le concept d’une ville de 7 millions d’habitants, avec des lois séparées du reste du royaume, m’a fasciné. Je me suis dit qu’il faudrait répondre aux besoins spirituels des personnes d’autres religions qui y vivraient », raconte le rabbin Herzog depuis Israël, où il dit être resté pour la fête juive de Roch Hachana.
Il entreprend alors d’aller voir de ses propres yeux cette Arabie en quête d’ouverture, décidée à rompre avec le rigorisme de l’islam wahhabite, où les expatriés affluent. « Quoi qu’on dise de l’Arabie, les juifs et les musulmans y ont toujours travaillé côte à côte. Les derniers juifs sont partis en 1945 mais, depuis cinquante ans, des expatriés juifs travaillent pour Aramco [la compagnie pétrolière nationale] sans avoir à se cacher », défend le rabbin Herzog.
Sans l’aval de quiconque
Il a fait ses calculs – sans garantie de scientificité : « Parmi une population expatriée de 750 000 personnes environ, il y a 2 % de juifs originaires des Etats-Unis, de France, de Grande-Bretagne, d’Amérique latine… qui n’ont aucune structure pour leurs besoins spirituels. » Décidé à tester la disposition des autorités saoudiennes à l’accepter comme rabbin, il a improvisé un centre juif à Riyad, dont les portes sont ouvertes aux visiteurs de passage et aux expatriés.
Le rabbin Herzog a signalé sa démarche aux autorités « par courtoisie et pour les convaincre de la valeur ajoutée de [sa] présence ». C’est toutefois sans l’aval de quiconque, et sans autre prétendant au poste, qu’il s’est autoproclamé « grand rabbin d’Arabie saoudite ». « Je n’ai pas à cacher mon identité, l’Arabie saoudite n’a pas de problème avec le peuple juif. On ne fait rien dans nos rites qui contredise l’islam : on remplace même le vin par du jus de raisin pour le séder [le repas de la Pâque juive] », souligne-t-il. Il ne procède à aucune conversion. Il ne fait pas non plus de dialogue interreligieux comme à Abou Dhabi où les autorités émiraties ont inauguré l’Abrahamic Family House en 2019, un complexe qui abrite une mosquée, une église et une synagogue.
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