
Au moment de reprendre son bâton de pèlerin et de se rendre, pour la deuxième fois en un mois, devant une instance de l’ONU, à New York, Mykola Kuleba, un homme calme qui n’élève jamais la voix en public, ne peut masquer la colère qui l’anime. « Que dire au monde ? Je vais leur dire : honte à vous ! Et je vais leur demander pourquoi l’ONU ni personne ne fait rien, pourquoi ils abandonnent les enfants ukrainiens. »
Sur les 386 enfants ukrainiens déportés en Russie et ramenés dans leur pays, Save Ukraine, l’association qu’il dirige, en a rapatrié 176. Une goutte d’eau face à un plan de déportation dont les juristes estiment qu’il s’apparente à un acte de génocide et qui a valu au président russe, Vladimir Poutine, et à la commissaire aux droits de l’enfant de Moscou, Maria Lvova-Belova, d’être les deux premiers acteurs de la guerre russe en Ukraine à être visés par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye.
Kiev a identifié 19 546 enfants déportés, tandis que Moscou dit avoir « accueilli » 744 000 enfants, accompagnés ou non, sur le territoire russe. La réalité du crime, qualifié de « déportation » et de « transfert forcé de population » par les conventions de Genève, se situe entre ces deux chiffres. Mykola Kuleba lève les bras en signe d’impuissance. « Et encore, ajoute cet ancien défenseur des droits de l’enfance de la présidence ukrainienne, si l’on compte tous ceux qui vivent dans les territoires ukrainiens occupés depuis 2014 et en Russie, ce sont environ 1,5 million d’enfants (…) qui sont les victimes d’une politique d’Etat de russification, qui changent d’identité, de passeport, et auxquels on enseigne la haine de l’Ukraine. »
« C’est un génocide »
M. Kuleba, qui s’apprête à intervenir, mardi 19 septembre, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, avait déjà pris la parole à New York, le 24 août, jour de l’indépendance de l’Ukraine, devant le Conseil de sécurité de l’ONU. Suppliant les puissants du monde d’accorder « aide et assistance » aux « enfants volés » par la Russie, il avait pointé un aspect rarement évoqué : le fait que des enfants vivant en territoires occupés depuis près de dix ans soient devenus des « armes de guerre » contre l’Ukraine.
« Moscou a transformé les plus âgés en soldats russes, par la mobilisation dans les territoires occupés, accuse M. Kuleba. Non seulement c’est une politique génocidaire de russification, mais concrètement cela signifie que des milliers d’entre eux meurent en combattant contre l’Ukraine, leur terre natale. » Le militant lève de nouveau les bras, ému.
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