Cinq Américains qui étaient prisonniers en Iran, ainsi que deux femmes membres de leurs familles, ont quitté le pays lundi 18 septembre dans le cadre d’un échange de prisonniers politiquement risqué pour Joe Biden, a confirmé un haut responsable de la Maison Blanche. Il s’agit de Siamak Namazi, qui est accompagné de sa mère, d’Emad Sharqi, de Morad Tahbaz, qui quitte l’Iran en compagnie de son épouse, ainsi que de deux autres personnes dont les noms n’ont pas été divulgués.
Ces sept personnes sont arrivées vers 16 h 40 à Doha, au Qatar, d’où ils ont ensuite décollé « pour Washington DC », a fait savoir une source proche du dossier à l’Agence France-Presse. « Cela fait vraiment du bien de pouvoir dire que nos concitoyens sont maintenant libres », a déclaré à la presse à New York le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, qui s’est entretenu avec eux. « Je leur ai parlé à leur atterrissage à Doha. Je peux vous dire que c’était pour eux, pour moi, une conversation émouvante », a-t-il dit. Tous les Américains libérés sont d’ascendance iranienne, l’Iran ne reconnaissant pas la double nationalité et n’entretenant aucune relation diplomatique avec les Etats-Unis depuis 1979.
« Merci, président Biden, d’avoir fait passer la vie humaine avant la politique », a remercié dans un communiqué Siamak Namazi. L’administration Biden a « pris des décisions incroyablement difficiles pour nous sauver », a salué l’homme d’affaires, ajoutant : « Merci de mettre fin à ce cauchemar. » Le porte-parole du secrétaire général de l’ONU a espéré lundi que l’échange conduirait à une « baisse des tensions ». « Évidemment nous espérons que cela mènera à une plus grande coopération et une baisse des tensions », a déclaré Stéphane Dujarric à la presse.
Sanctions pour des « actions provocatrices dans la région »
En échange de la libération de cinq Américains, cinq ressortissants iraniens, poursuivis ou condamnés aux Etats-Unis pour des délits sans violences, bénéficieront de mesures de clémence. Le haut responsable américain, qui a requis l’anonymat, a ajouté que cet échange de prisonniers s’accompagnerait de sanctions contre le ministère du renseignement iranien ainsi que contre l’ancien président iranien, Mahmoud Ahmadinejad – une manière pour la Maison Blanche de contrer toute accusation de complaisance envers le régime de Téhéran.
Joe Biden a par la suite promis de « continuer à sanctionner l’Iran pour ses actions provocatrices dans la région ». « Cinq Américains innocents qui étaient détenus en Iran rentrent enfin à la maison », s’est par ailleurs félicité le président américain, qui a adressé ses remerciements aux gouvernements impliqués dans les négociations : le Qatar, Oman, la Suisse et la Corée du Sud.
Cette libération semblait imminente depuis le transfert des cinq Américains en résidence surveillée il y a un peu plus d’un mois. Elle est le résultat de plusieurs années de tractations entre Washington et Téhéran. Au préalable, un transfert de fonds iraniens gelés en Corée du Sud, d’un montant de six milliards de dollars (5,5 milliards d’euros), a été annoncé à Doha et confirmé par l’Iran. Ce transfert fait partie de l’accord.
Deux Iraniens arrivés à Doha

Deux des cinq prisonniers iraniens bénéficiant d’une mesure de clémence sont arrivés à Doha pour retourner en Iran, ont affirmé lundi des médias iraniens. « Deux prisonniers iraniens, Mehrdad Moin-Ansari et Reza Sarhangpour, libérés lors de l’échange de prisonniers iraniens et américains et prévoyant de se rendre en Iran, sont arrivés à Doha », a dit l’agence Tasnim. Les trois autres ont également été libérés, selon l’agence, mais ne souhaitent pas aller en Iran.
Le transfert de fonds sur six comptes iraniens dans deux banques du Qatar a été effectué lundi. « Aujourd’hui, l’équivalent de 5 573 492 000 euros a été déposé sur le compte des banques iraniennes auprès de deux banques qataries », a précisé, à Téhéran, Mohammad Reza Farzin, gouverneur de la Banque centrale iranienne. Il a ajouté que son pays avait l’intention de saisir la justice contre la Corée du Sud pour ne pas avoir autorisé Téhéran à accéder à ces fonds et demander des dommages à la suite de leur dépréciation.
L’arrangement avait été annoncé le 10 août et cinq Américains d’origine iranienne, détenus en Iran, avaient alors été transférés de leur prison pour être placés en résidence surveillée. Parmi eux figure donc l’homme d’affaires Siamak Namazi, arrêté en 2015 et condamné à dix ans de prison en 2016 pour espionnage. Parmi les cinq Iraniens devant être libérés par les Etats-Unis, figurent Reza Sarhangpour et Kambiz Attar Kashani, accusés d’avoir « détourné les sanctions américaines » contre l’Iran.
Pas un « chèque en blanc »
Aux yeux de certains experts, cet accord témoigne d’un apaisement des tensions entre l’Iran et les Etats-Unis, mais il ne préjuge pas d’un possible accord sur le dossier du nucléaire iranien. Des négociations menées par les Européens n’avaient pas réussi en 2022 à raviver l’accord sur le nucléaire iranien de 2015, moribond depuis le retrait unilatéral des Etats-Unis en 2018 sous la présidence de Donald Trump. Le président iranien, Ebrahim Raïssi, est attendu lundi à New York pour participer à l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU).
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Le 13 septembre, la Maison Blanche avait rejeté toute notion de « rançon », comme le dénonçait l’opposition républicaine au président Joe Biden, avec le déblocage des six milliards de dollars de fonds iraniens gelés. L’échange de prisonniers a été une « décision difficile » pour le président. « L’alternative, c’était que ces Américains ne rentrent jamais à la maison », a justifié le haut responsable. Le porte-parole du Conseil national de sécurité, John Kirby, avait insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’un « chèque en blanc » offert à l’Iran et que l’utilisation de ces fonds « à des fins humanitaires » uniquement serait sous « stricte surveillance ».
Issus de la vente d’hydrocarbures par l’Iran, ces fonds avaient été bloqués à la suite de sanctions américaines. Téhéran a de son côté assuré avoir la possibilité d’user autrement de cette enveloppe et pas seulement pour acheter des médicaments et de la nourriture. Après ce versement, l’Iran n’aura « plus beaucoup de ressources bloquées dans d’autres pays », a affirmé le porte-parole du ministère des affaires étrangères iranien, Nasser Kanani, lundi. « Au Japon nous en avions une certaine quantité mais nous en avons utilisé une grande partie et la quantité restante n’est pas significative », selon lui.