Le « dialogue national » en Egypte, censé ouvrir le jeu politique dans un pays tenu d’une main de fer par le président Abdel Fattah Al-Sissi, ancien chef du renseignement militaire, n’empêche ni les arrestations ni les condamnations d’opposants. Le journaliste Hicham Kassem, 64 ans, s’est vu infliger, samedi 16 septembre, deux peines distinctes de prison ferme, chacune de trois mois. Il était poursuivi pour « diffamation » envers un ancien ministre, ainsi que pour « outrage » à un policier lors de son arrestation, en août. Des accusations rejetées par sa défense, qui a annoncé qu’un procès en appel se tiendrait début octobre.
Ce jugement éclair intervient alors que se profile l’élection présidentielle. Sa date exacte n’est pas encore connue, mais elle doit avoir lieu d’ici au printemps 2024 et pourrait se tenir dès la fin de cette année. Abdel Fattah Al-Sissi ne s’est pas déclaré, mais sa candidature fait peu de doutes. Il avait été réélu en 2018, pour quatre ans, avant que le mandat présidentiel ne soit étendu à six ans après un amendement, taillé sur mesure, de la Constitution en 2019.
Les autorités entendent visiblement choisir leurs concurrents, comme cela fut le cas lors de la campagne de 2018, où un partisan de Sissi fut désigné comme adversaire, tandis que les profils plus sérieux étaient écartés ou emprisonnés. Ainsi, Hicham Kassem, qui a cofondé au début des années 2000 le quotidien Al-Masri Al-Youm, était un « candidat potentiel » du Courant libre, une coalition de trois partis prônant une libéralisation économique, formée en juin, et dont il est l’un des dirigeants. Mais le verdict l’a mis hors jeu.
« Puni pour ses critiques »
« Le climat politique ne permet pas la tenue d’élections libres, équitables et justes », a déclaré dimanche le Courant libre. Les arrestations se multiplient aussi parmi les soutiens et l’entourage du seul candidat déclaré jusqu’ici, Ahmed El-Tantawy, ancien chef du parti de gauche Karama, depuis qu’il a rendu ses intentions publiques. L’opposant et ex-député a affirmé vendredi qu’il était placé sous écoute depuis 2021.
Les tracas de M. Kassem ont débuté par une dispute personnelle avec l’ancien ministre Kamal Abou Eita. Ce dernier avait accusé le Courant libre de répondre à un « agenda étranger », tandis que M. Kassem rétorquait en mettant en cause les origines de la fortune de son détracteur. Arrêté en août, l’opposant a refusé de payer une caution pour être libéré. « Le pouvoir s’est saisi de l’opportunité représentée par la plainte déposée par Kamal Abou Eita pour intimider Hicham Kassem, et l’opposition avec lui, analyse Mustapha Kamel Al-Sayed, professeur de sciences politiques, participant au “dialogue national”. Il est en réalité puni pour ses critiques et son audace. » M. Kassem avait dénoncé la mainmise de l’armée dans l’économie égyptienne et les arrestations à outrance.
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