Cette fois, l’argent et les relations haut placées n’ont pas suffi. Début mars 2022, Roman Abramovitch annonce la mise en vente du Chelsea Football Club. Pour le milliardaire russe, c’est un crève-cœur. Depuis qu’il l’a rachetée en 2003, l’équipe londonienne a raflé vingt et un trophées, dont cinq championnats d’Angleterre et deux Ligues des champions. Mais l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en février 2022, a remis au centre de l’attention médiatique sa relation privilégiée avec Vladimir Poutine. Voilà Abramovitch sanctionné par le Parlement britannique, et son club saisi. Le 5 mars, lors d’un match contre Burnley, les supporteurs de Chelsea interrompent une minute d’applaudissements en soutien à l’Ukraine. « Roman Abramovitch », chantent-ils en boucle. Les remontrances de Thomas Tuchel, l’entraîneur des Blues, sur leur « manque de solidarité » envers ce pays envahi par la Russie n’y feront rien. Des mois durant, les fans afficheront leur loyauté à l’égard de l’oligarque, y compris durant les négociations du club avec un fonds d’investissement américain, qui finira par le racheter pour 5,2 milliards d’euros.
Abramovitch n’a-t-il pas constitué, à la tête de Chelsea, ce que les supporteurs appellent le « Roman Empire », dans un clin d’œil fanfaron à l’Empire romain ? Le 22 mai 2022, pour l’ultime match de la saison dans leur stade de Stamford Bridge, ils avaient préparé une banderole à dérouler en fin de rencontre. Selon David Johnstone, qui supporte les Blues depuis les années 1970, le club les aurait alors « suppliés » d’abandonner le projet, pour ne pas faire capoter la vente à un groupe d’investisseurs, dirigé par l’Américain Todd Boehly. A contrecœur, les fans ont remisé la banderole. Sur un fond bleu nuit, avec le visage de l’oligarque dessiné en blanc, on pouvait lire : « Merci, M. Abramovitch. Grâce à vous, nous avons tout gagné. »
Ce propriétaire si populaire, Roman Abramovitch a failli ne jamais le devenir. Au début des années 2000, ce passionné de ballon rond, qui avait assisté à la Coupe du monde 1998 en France, demande à la banque UBS de repérer, partout en Europe, les meilleures occasions en matière de football. « Nous nous sommes intéressés à l’Allemagne, à l’Italie et à la France, notamment à l’OGC Nice », raconte Henry (le prénom a été modifié), l’un de ses associés historiques. Rien n’est à vendre. En Angleterre, le magnat du pétrole lorgne Manchester United, épaté par son match retour victorieux contre le Real Madrid, en quarts de finale de Ligue des champions, en 2003. Sans succès. Et Tottenham, à Londres ? Ou Newcastle, club très populaire du nord du pays ? Non plus. Reste Chelsea, l’équipe des quartiers chics de l’ouest de Londres, au bord de la faillite. En juillet 2003, après des tractations express, Abramovitch débourse 140 millions de livres (environ 200 millions d’euros à l’époque). Le club de foot est à lui.
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