Union européenne : « Ayons une vision stratégique du leadership technologique pour ne pas céder au populisme »

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Le projet de nommer Fiona Scott Morton comme économiste en chef de la direction générale de la concurrence (DG COMP) – elle a renoncé à cette prise de poste, mercredi 19 juillet – a suscité une intense controverse, du fait de sa nationalité américaine et du risque de conflits d’intérêts de par ses précédentes fonctions : elle a travaillé au département antitrust du ministère de la justice américain sous l’administration Obama et en tant que consultante pour Apple et Microsoft. Au-delà de la polémique, cette affaire révèle un problème plus grave qui touche la DG COMP : l’absence de résultat depuis plus de vingt ans dans le domaine du numérique et des technologies au sein de la Commission européenne.

Son échec est à trois niveaux : d’abord, l’absence d’impact de ses décisions sur l’émergence de monopoles numériques gigantesques. Sur 25 milliards d’euros d’amendes en quinze ans, seuls environ 3,5 milliards ont été payés, c’est-à-dire moins de 1,5 % du résultat net des Gafam pour la seule année 2022. Jamais leur puissance n’a été aussi importante depuis que la Commission agite ses moulinets : la capitalisation boursière des sept plus grands de la tech atteint plus de 11 700 milliards de dollars [10 491 euros], dont 4 000 milliards de plus en 2022. De quoi s’interroger sur l’effectivité de la DG COMP pour le marché et les citoyens européens.

Une autre raison de cet échec pourrait être la composition de l’instance. La vaste majorité de ses fonctionnaires ont une formation de juriste, sans expérience réelle des secteurs qu’ils sont censés réguler. Or, une compréhension des ressorts scientifiques ou technologiques est essentielle au XXIe siècle pour évaluer la pertinence des enquêtes lancées et anticiper ce qui va, réellement, nuire à la saine concurrence.

Aucune remise en cause

Deux exemples où Bruxelles n’a presque rien vu : l’accord au rachat pour 19 milliards de dollars de WhatsApp par Facebook, pour lequel la DG COMP a notamment considéré, en 2014, que « WhatsApp et Facebook Messenger n’étaient pas concurrents ». Depuis, Meta (ex-Facebook) reste leader dans les messageries instantanées.

Autre exemple : l’accord donné au rachat par Google de la start-up DeepMind, en 2014, pépite anglaise au chiffre d’affaires de quelques dizaines de millions de livres et qui n’a pas fait l’objet d’une enquête poussée – mais on estime qu’elle concentrait près d’un tiers des meilleurs talents européens en matière d’intelligence artificielle. Son rachat a beaucoup plus ruiné la concurrence en Europe dans ce domaine que toute autre transaction. La puissance ainsi gagnée par Facebook et Google n’a conduit à aucune remise en cause de la DG COMP. L’Europe doit urgemment mettre à jour ses politiques industrielle et de la concurrence.

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