A un an de l’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024, la question de l’impact de l’invasion de l’Ukraine par la Russie sur l’organisation de l’événement n’est toujours pas clairement tranchée. Le Comité international olympique (CIO), soucieux de préserver l’universalisme du sport, tente d’emprunter une périlleuse ligne de crête entre la nécessité de tirer les conséquences de l’agression russe et la volonté de ne pas priver de compétition des athlètes qui n’ont pas à endosser la responsabilité de la guerre.
A ce stade, les positions des protagonistes semblent irréconciliables. D’un côté, l’Ukraine dit qu’elle refusera de participer en présence d’athlètes russes. De l’autre, la Russie, en cas d’exclusion, menace de lancer un réseau de compétitions concurrent aux JO, qui pourrait séduire les pays émergents, ce qui signerait l’acte de décès de l’olympisme moderne.
Embarrassé par la situation, le CIO peine à se fixer une ligne. En février 2022, dans la foulée de l’invasion de l’Ukraine, son président, Thomas Bach, n’avait pas hésité à bannir les athlètes russes et biélorusses des compétitions, avant de se raviser en janvier 2023, annonçant « rechercher une voie » pour les réintégrer. Plus de six mois plus tard, la communauté sportive internationale attend toujours une position claire de l’organisation.
Fin mars, le CIO a simplement recommandé aux fédérations internationales d’appliquer dans le cadre d’épreuves qualificatives pour les JO un statut d’« athlètes neutres », permettant d’accepter la participation de Russes et de Biélorusses. Pour s’en prévaloir, il faut que les sportifs n’aient pas préalablement soutenu le conflit en Ukraine et qu’ils n’aient pas de lien avec l’armée ou une agence de sécurité. Ils ne peuvent concourir sous leurs couleurs nationales et, lors d’éventuelles remises de médailles, il n’y aura ni drapeau ni hymne russe ou biélorusse. Enfin la participation par équipes est bannie.
Eviter un scénario cauchemar
Si le CIO se félicite que ce dispositif ait pu fonctionner sans problème majeur dans certaines compétitions, la solution reste imparfaite. Etant donné que près des trois quarts des médaillés russes des Jeux de Tokyo étaient sous contrat avec l’armée ou une agence de sécurité, un tri va naturellement s’opérer. Mais au-delà, le concept de neutralité reste très relatif. Quelle que soit la bonne foi d’un athlète, il ne pourra pas empêcher le pouvoir russe d’instrumentaliser sa potentielle victoire. Par ailleurs, les comptes sur les réseaux sociaux d’un certain nombre de sportifs ont été soigneusement toilettés pour effacer d’éventuelles déclarations patriotiques afin de rendre leur profil compatible avec la « neutralité » réclamée par le CIO.
En s’abritant derrière les fédérations sportives au lieu de prendre ses propres responsabilités, l’instance basée à Lausanne risque de se retrouver avec des disciplines appliquant une exclusion stricte des Russes et Biélorusses − ce sera le cas de l’athlétisme −, tandis que d’autres, comme l’escrime ou le judo, accueilleront des athlètes sous statut neutre. L’universalisme prôné par le CIO s’en trouvera passablement écorné.
A n’avoir pas eu le courage d’édicter en temps utile des règles claires pour exclure des Jeux des athlètes issus de pays fauteurs de guerre ou d’annexion, le CIO se voit contraint de trouver sur le tard une cote mal taillée, qui risque de ne satisfaire personne. La priorité désormais consiste à éviter un scénario cauchemar, dans lequel les athlètes ukrainiens seraient absents des compétitions, quand des Russes, même sous statut neutre, pourraient y participer.