C’était en 2018, l’un des premiers étés à New York, ceux de la découverte : sous la chaleur moite et écrasante, nous avons pris en famille le métro pour Coney Island, dans le sud de Brooklyn. En arrivant, le ciel était noir. Nous nous sommes allongés sur le sable trop dur, puis baignés dans une eau gris clair, sans doute propre mais terne, dépourvue de la moindre odeur d’iode qui fait le charme de l’océan. Et puis l’orage a éclaté. Alors, la foule en maillot de bain s’est réfugiée sous les auvents des vestiaires dans une ambiance joyeuse. Promiscuité des corps humides, des âges et des ethnies – Blancs, Indiens, Latinos, Noirs —, si rarement expérimentée aux Etats-Unis. C’est le caractère exceptionnel de Coney Island, sa plage et ses parcs d’attractions, dont le célèbre Luna Park.
Ensuite, bravaches, nous avons pris un billet à 10 dollars (environ 9 euros) pour une montagne russe, le Thunderbolt, qui a la curieuse idée de tomber à la verticale et d’enchaîner plusieurs loopings : deux minutes d’excitation et trois heures de nausée. Nous avons fini par acheter un hot dog-frites puis nous avons repris le chemin de Manhattan. Coney Island, c’est le parc d’attractions de New York. L’anti-Disneyland.
Coney Island est située sur un bout de plage sapé par l’Atlantique et desservi par le rail depuis la fin du XIXe siècle. Lorsque le maire de Brooklyn, Edward Riegelmann, inaugura en 1922 le bord de mer sur planches qui séparait l’immense plage et les parcs d’attractions, il déclara que Coney Island était « le terrain de jeu de l’Amérique ». Au pied d’une immense grande roue Wonder Wheel, qui va fêter son centenaire, D.J. Vourderis, qui exploite ce manège avec sa famille, perpétue la légende. « Peu importe d’où vous veniez, qui vous priiez, où vous habitiez, Coney Island, c’était le lieu où les gens venaient s’amuser, pour oublier leurs soucis et vivre le rêve américain. C’est le lieu où les gens font la queue ensemble et partagent la même nacelle, même si leurs pays se font la guerre », affirme-t-il, citant les Ukrainiens et les Russes, qui continuent de s’amuser ici.
« Un lieu de rassemblement, d’unité »
Ce samedi de juin, les familles se pressent à Coney Island comme il y a un siècle. « Il y a toujours quelque chose de neuf ici », se réjouit Gloria Choez, une Equatorienne venue du Queens en métro avec ses quatre enfants. Tous ravis de ressortir trempés d’une nouvelle attraction aquatique. « Mes parents étaient de Brooklyn et ils sortaient ensemble à Coney Island dans les années 1960 », raconte un autre visiteur, Alex Picciano. Son ami afro-américain Nuwoe Goteh n’a découvert Coney Island qu’en 2022 : « Quand vous vivez à New York, vous n’imaginez pas qu’il existe un lieu comme cela. C’est bien plus accessible [que Disneyland] pour les gens qui ont moins d’argent, c’est très démocratique. J’aime qu’on y rencontre plein de gens différents. »
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