
Mahmoud Abbas paraît aphone. Le micro du président de l’Autorité palestinienne, âgé de 87 ans, ne fonctionne pas et il ne semble pas s’en rendre compte. Il parle encore. Il tousse beaucoup. Il règne une chaleur accablante à Jénine, la grande cité du nord de la Cisjordanie occupée, qui fait craindre pour la santé du plus vieux dirigeant du monde arabe.
Le raïs se tient debout à l’ombre, un keffieh posé sur les épaules, devant un magasin brûlé par l’armée israélienne durant son dernier raid, début juillet, le plus important depuis vingt ans, à l’entrée du camp de réfugiés de la ville. C’est l’un des derniers bastions d’une insurrection armée contre Israël, engagée en 2021 et qui décline partout ailleurs dans la région. M. Abbas ne s’y était pas rendu depuis 2012. Il a beaucoup voyagé à l’étranger mais ne bouge quasiment plus de Ramallah, le siège de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie, sauf pour aller assister aux messes chrétiennes de Noël, à Bethléem.
Un hélicoptère militaire jordanien l’a transporté avec l’assentiment d’Israël, qui contrôle l’espace aérien. M. Abbas a peiné à fendre une petite foule compacte, constituée en bonne partie de membres de ses forces de sécurité. Sa cour s’est déplacée avec lui : son numéro deux, Hussein Al-Sheikh, soutient son bras, aux côtés du patron des services de renseignement, Majed Faraj, de plusieurs ministres, de caciques du Fatah et d’un responsable local, Jamal Haweel, exclu du parti présidentiel pour déloyauté au chef, mais incontournable dans le camp.
« Mieux vaut tard que jamais »
M. Abbas remercie l’Algérie et les Emirats arabes unis, qui ont promis de reconstruire les infrastructures détruites du camp. Il proclame que « l’Autorité palestinienne est une autorité, un Etat, une loi », et « une sécurité » : une manière de refuser l’échappée solitaire du camp et sa lutte armée, qui l’embarrasse. Juchés sur un toit pour mieux l’entendre, deux jeunes insurgés font mine de s’émerveiller : « Bientôt, nous serons libérés [de l’occupation israélienne] ! », lance l’un. « Tu rigoles ?, le corrige l’autre. Il nous a libérés dès aujourd’hui ! »
Tôt le matin, des agents du renseignement palestinien, assis sur un trottoir, tentaient mollement de se faire passer pour des habitants réjouis auprès de journalistes. « Nous sommes très heureux que le raïs vienne à Jénine », plaidait l’un d’eux. Ceux du camp expriment des sentiments plus mitigés : un mélange de lassitude, d’hostilité acide, mais aussi de reconnaissance pour ce président qui demeure le seul leader politique palestinien d’envergure internationale.
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