
La Thaïlande retenait son souffle depuis les élections du 14 mai, qui ont vu le camp de la réforme, porté par la jeune génération, s’imposer face aux partis des généraux, issus de l’ancienne junte militaire et soutenus en sous-main par le palais royal. L’annonce faite mercredi 12 juillet, à la veille de la désignation du nouveau premier ministre au Parlement, que la Cour constitutionnelle a été saisie d’une plainte contre le candidat de la coalition victorieuse, Pita Limjaroenrat, et son parti, Move Forward (« aller de l’avant »), ouvre une nouvelle séquence : celle de l’épreuve de force. Après de premières manifestations mercredi soir à Bangkok et dans d’autres villes du pays, les partisans de « Pita », comme l’appellent les Thaïlandais, pourraient marcher vers le Parlement jeudi. La police a établi autour du bâtiment un large périmètre de sécurité.
Après un mois d’enquête, la commission électorale a donc demandé l’intervention de la Cour constitutionnelle à propos de la détention par M. Limjaroenrat d’actions dans un média. Ce recours a entraîné la suspension de son siège de député – mais sans pour autant l’empêcher, pour l’instant, de se présenter au poste de premier ministre. Le règlement électoral interdit en effet à un candidat aux élections de posséder des parts dans une société de média. Dans ce cas précis, il s’agit de la télévision câblée iTV, dont Pita a récupéré des actions au décès de son père. Mais cette chaîne a cessé d’émettre en 2007, et l’accusation ne porte pas sur la candidature de Pita aux élections de cette année mais à celles de 2019…
Réformer la loi de lèse-majesté
Dans le même temps, la Cour constitutionnelle a annoncé comme recevable la plainte d’un avocat proche des milieux ultraroyalistes qui assimile le projet de Move Forward visant à réformer la loi de lèse-majesté à une « tentative de renverser le système démocratique de gouvernement avec le roi comme chef d’Etat » – la désignation officielle de la monarchie constitutionnelle thaïlandaise : le parti souhaite en effet instaurer une peine non cumulable, limitée à un an, contre trois à quinze ans aujourd’hui, une sanction dont le gouvernement a fait un usage immodéré à des fins politiques. La plainte pourrait conduire à la dissolution du parti.
Move Forward avait dénoncé, lors de la campagne électorale, ces tactiques de « guerre juridique » déjà employées contre le camp prodémocratie, lors du précédent scrutin législatif de 2019 : Thanathorn Juangroongruangkit, alors chef de la toute nouvelle formation progressiste Future Forward, qui était arrivée en troisième position aux élections, avait lui aussi perdu son siège de député en raison de parts détenues dans un média ayant également cessé toute activité éditoriale. Le parti avait ensuite été dissous au prétexte que Thanathorn lui avait accordé un prêt personnel. Il avait ressuscité sous un autre nom, Move Forward, en 2020.
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