Au Brésil, la lutte contre la faim redevient une priorité

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Une distribution alimentaire à Sao Paulo, au Brésil, en juillet 2020.

Sur la place de la Sé, la cathédrale de Sao Paulo, à l’heure du déjeuner, tous les regards se tournent vers un petit chariot métallique. A bord de celui-ci sont empilées 500 marmitas : des paniers-repas destinés aux sans-abri du centre de la mégapole. Du riz, des haricots, de la viande séchée accompagnés de laitue et de potiron. Vite, une file d’affamés se forme. En moins de dix minutes, tout a été distribué.

L’initiative est l’œuvre du Mouvement des travailleurs sans toit (MTST), organisation de gauche luttant pour le droit au logement. En ce vendredi 7 juillet, ses membres s’activent depuis l’aube dans une « cuisine solidaire », installée à quelques mètres de la cathédrale. Cette nuit d’hiver austral, il a fait froid : 10 degrés au réveil. Pas question de laisser les miséreux le ventre vide.

« On sert un déjeuner complet, tous les jours à 13 heures sauf le week-end », décrit Juliana Andrade Bruno Favacho, coordinatrice des « cuisines solidaires » de Sao Paulo. Le projet est né en 2021, durant la pandémie de Covid-19, alors que la pauvreté explosait. « On prévoyait d’ouvrir quatorze ou seize cuisines, mais aujourd’hui on en gère quarante-six dans tout le Brésil, à destination des sans-abri et des familles pauvres », poursuit-elle.

Coupes dans les aides

Les marmitas du MTST ne sont qu’une goutte d’eau dans un Brésil où la faim a fait son retour. Selon la dernière étude réalisée en 2022 par le réseau de recherche indépendant Penssan, spécialisé dans la sécurité alimentaire, 33 millions de Brésiliens sont aujourd’hui confrontés à la faim, soit 15 % de la population. Et 125 millions – plus de la moitié du pays – sont touchés à des degrés divers par une forme d’insécurité alimentaire.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Au Brésil, « la faim est partout, et l’Etat nulle part »

Dans le passé, le Brésil avait pourtant connu d’énormes avancées. Président de 2003 à 2011, Luiz Inacio Lula da Silva avait fait de la « faim zéro » sa priorité et engagé à cet effet des politiques volontaristes et couronnées de succès. Entre 2004 et 2013, la part des Brésiliens en situation d’insécurité alimentaire grave passe de 9,5 % à 4,2 %. Le Brésil sort de la « carte de la faim » des Nations unies.

Mais à cela a succédé une grave crise économique à partir de 2015, suivie des années au pouvoir de Jair Bolsonaro (2019-2023). Contre l’évidence, le président d’extrême droite nie alors l’existence de la faim dans son pays. Il démantèle le Conseil national de sécurité alimentaire et nutritionnelle (Consea) et des coupes sévères sont opérées dans les programmes d’alimentation.

Des millions de Brésiliens plongent alors dans l’extrême pauvreté. Devant la cathédrale de Sao Paulo, dans la file des marmitas, patientent désormais des familles entières, hommes, femmes et enfants. « Une fois à la rue, il est très difficile d’en sortir. Beaucoup sont dans la drogue, le crack », regrette Juliana du MTST. Pour seule réponse, la mairie envoie la police confisquer les couvertures et les matelas des sans-abri. « Parfois, ils vont jusqu’à les arroser au jet d’eau froide… », déplore la militante.

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