
La Suède qui rit et la Suède qui grimace. Au lendemain de l’accord turc à l’adhésion à l’OTAN de ce pays de 10,5 millions d’habitants, annoncé lundi 10 juillet soir, à Vilnius, par Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Alliance, le premier ministre Ulf Kristersson et la plupart des responsables des principaux partis politiques suédois se sont félicités de la nouvelle, après plus d’un an de tractations pénibles et souvent humiliantes pour le royaume scandinave.
Côté officiel, l’heure est à la satisfaction. « Je suis très heureux de ce pas important, a déclaré Ulf Kristersson depuis Vilnius après avoir fêté l’accord autour d’une bière avec ses collaborateurs. Même si le champagne attendra jusqu’à ce que l’on soit membre à part entière de l’OTAN. » Magdalena Andersson, cheffe de l’opposition et première ministre sociale-démocrate, qui avait lancé le processus de demande d’adhésion en 2022, s’est également réjouie pour la sécurité de la Suède : « Il est positif que tous les pays nordiques fassent désormais partie de la même union de défense », ce que le ministre suédois de la défense, Pal Jonson, a également souligné, notant que « tout le flanc nord de l’OTAN va se trouver renforcé ».
Mais nombreux sont ceux, aussi, qui se demandent quel sera le prix à payer. Dès 1994, la Suède avait rejoint le Partenariat pour la paix, antichambre de l’Alliance. Elle a participé depuis près de trente ans à ses exercices militaires, et ses procédures et matériels sont déjà largement compatibles avec ceux de l’OTAN. Mais outre l’effacement de deux cents ans de neutralité et de liberté d’alliance, sans le moindre débat, le renoncement à des valeurs fondamentales inquiète, après des mois de soumission aux exigences turques. « La Suède va avoir une nouvelle identité, a ainsi déclaré Pierre Schori, ancien ministre et diplomate social-démocrate qui fut notamment l’un des proches d’Olof Palme, l’ex-premier ministre chantre de la troisième voie entre Est et Ouest. Une identité où nous allons vendre des armes à des pays en guerre et où nous trahissons les combattants de la liberté. »
« Les Turcs ont utilisé la Suède comme un bélier »
Parmi les concessions faites à Ankara, Stockholm a levé l’embargo sur la livraison d’armes à la Turquie en place depuis 2019. Une loi antiterroriste entrée en vigueur le 1er juin a également permis à la Haute Cour de justice suédoise d’autoriser le renvoi d’un homme de 35 ans, condamné pour une affaire de drogue en Turquie – même si lui clame qu’il est mis en cause pour ses sympathies pro-PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan traqué par le régime turc par-delà ses frontières.
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