La Pologne et l’Ukraine apaisent leur querelle mémorielle sur le massacre en Volhynie

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A gauche, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, et son homologue polonais, Andrzej Duda, lors d’une cérémonie en hommage aux victimes du massacre en Volhynie, à Loutsk, le 9 juillet.

Il s’agit d’une des pages les plus traumatisantes de l’histoire récente de la Pologne et d’une question qui venait, avant l’invasion russe de l’Ukraine, empoisonner constamment les relations polono-ukrainiennes. Le massacre en Volhynie, les purges ethniques conduites par les milices de l’armée insurrectionnelles ukrainienne (UPA), entre 1943 et 1944, a coûté la vie à près de cent mille civils polonais. Des centaines de villages ont été rayés de la carte sur des terres de Volhynie et de Galicie de l’Est, appartenant dans l’entre-deux-guerres à la Pologne et revendiquées par les nationalistes ukrainiens.

Hasard du calendrier, le 80e anniversaire du point culminant de ce massacre, le 11 juillet, a coïncidé avec l’ouverture, mardi, du sommet de l’OTAN à Vilnius, où la question du rapprochement entre l’Ukraine et l’Alliance, dont la Pologne est l’un des plus ardents avocats, était au centre des discussions. Pour cette raison, à Varsovie, le pouvoir nationaliste populiste du parti Droit et justice (PiS) s’est bien gardé de raviver cette question mémorielle encore très sensible pour une partie de l’opinion publique.

Dimanche 9 juillet, le président polonais, Andrzej Duda, et son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, ont assisté à une messe commémorative œcuménique dans la cathédrale de Loutsk, à une cinquantaine de kilomètres de la frontière polonaise, dans le nord-ouest de l’Ukraine. A l’issue de la cérémonie, sur le parvis, les deux dirigeants se sont donné une accolade chaleureuse. « Ensemble, nous rendons aujourd’hui hommage à toutes les victimes innocentes de la Wolyn [Volhynie], a écrit, dans un communiqué, le président ukrainien. La mémoire nous unit ! Ensemble, nous sommes plus forts. » Ni pardon ni demande de pardon donc. La droite dure polonaise a mis ses revendications de côté.

« C’est une très bonne chose que le président Duda ait décidé de prendre l’initiative dans un esprit de conciliation, commente l’historien Rafal Wnuk, de l’Académie polonaise des sciences. L’atmosphère du débat public s’était tendue depuis plusieurs semaines, et on pouvait s’attendre à des tentatives d’instrumentalisation de cet anniversaire. » Mais, note l’historien, de nombreuses questions sensibles n’en demeurent pas moins en suspens, otages des politiques historiques des deux pays, d’autant plus que, jusqu’à la chute du communisme, le massacre en Volhynie était un tabou historique majeur aussi bien en Pologne qu’en URSS.

Le culte de Bandera

Si, d’un point de vue scientifique, toute la lumière semble désormais avoir été faite sur les événements, les historiographies polonaises et ukrainiennes conservent des divergences importantes. Depuis 2016 et le vote d’une résolution du Parlement de Pologne sur la question, la plupart des historiens polonais qualifient le massacre de « génocide ». Un terme rejeté par la partie ukrainienne, qui conteste également le chiffre de cent mille victimes. De nombreux historiens ukrainiens parlent également de « guerre polono-ukrainienne » pour qualifier les événements et avancent le caractère « symétrique » des affrontements, alors que les actions de représailles de la part de l’armée de l’intérieur polonaise ont fait, selon les estimations, entre deux mille et dix mille victimes. Enfin, la politique des autorités polonaises de l’entre-deux-guerres, ouvertement discriminatoire vis-à-vis des minorités ukrainiennes, reste sujette à controverse.

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