Roberto Saviano, invité d’honneur du Festival international de journalisme de Couthures-sur-Garonne

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Roberto Saviano au festival Quais du Polar, à Lyon (Rhône), le 30 mars 2019.

Roberto Saviano sera l’invité d’honneur du Festival international de journalisme, organisé par le Groupe Le Monde et L’Obs, qui se tiendra du 14 au 16 juillet à Couthures-sur-Garonne (Lot-et-Garonne). Depuis l’arrivée au pouvoir à Rome du gouvernement dominé par les nationaux-conservateurs de Giorgia Meloni, l’écrivain napolitain se trouve au centre de plusieurs conflits qui opposent la majorité de droite à une partie du monde de la culture et des intellectuels italiens.

Toujours menacé de mort par la Camorra napolitaine, l’auteur de Gomorra, une enquête parue en 2006 sur l’influence tentaculaire du crime organisé en Campanie qui l’a rendu célèbre dans le monde entier, est placé sous protection policière depuis seize ans. Pour ses engagements progressistes dans le débat public, il est aussi une des cibles favorites de la droite au pouvoir, qu’il affronte notamment devant les tribunaux.

Sa présence dans les grilles de programmes de rentrée d’un audiovisuel public italien par ailleurs en pleine reprise en main par les alliés politiques de Mme Meloni a été annoncée vendredi 7 juillet, créant une certaine surprise, notamment en raison du procès qui l’oppose depuis novembre à la présidente du conseil.

Roberto Saviano fait en effet l’objet d’une plainte pour diffamation déposée par Giorgia Meloni pour des propos tenus à son encontre en 2020, quand elle n’était que députée, propos visant également Matteo Salvini, alors ministre de l’intérieur et désormais vice-président du Conseil, toujours porteur d’un discours d’hostilité radicale aux migrants. L’écrivain avait traité les deux responsables politiques de « bâtards » sur un plateau de télévision après la diffusion d’un reportage montrant la mort d’un enfant guinéen, noyé dans le naufrage d’une embarcation transportant des migrants d’une rive à l’autre de la Méditerranée.

Entretemps, Giorgia Meloni est arrivée au pouvoir. Elle demeure pourtant partie civile dans ce procès dont la dernière audience s’est tenue le 28 juin, la prochaine étant prévue pour le 12 octobre.

Un autre procès en cours oppose Roberto Saviano à Matteo Salvini, qu’il avait qualifié en 2018 de « ministre de mala vità », employant un terme italien qui désigne la délinquance et la criminalité organisée. M. Salvini, alors ministre de l’intérieur, avait suggéré que l’écrivain soit privé de son escorte policière. Alors que le témoignage de l’actuel numéro deux de la majorité était attendu lors de la dernière audience qui s’est tenue le 1er juin, il ne s’est pas présenté et le procès a été renvoyé au mois de décembre.

En mai, Roberto Saviano est sorti vainqueur d’une autre affaire judiciaire l’opposant à une personnalité de droite désormais au gouvernement. Elle concerne des déclarations faites par l’auteur en 2018, lorsqu’il avait accusé Gennaro Sangiuliano, journaliste de télévision devenu depuis ministre de la culture, d’avoir été le « factotum » de Nicola Consentino. Cet ancien sous-secrétaire d’Etat du gouvernement Berlusconi IV, entre 2008 et 2010, a été condamné pour ses liens avec la Camorra et l’écrivain reprochait à M. Sangiuliano de lui devoir sa nomination à un poste à responsabilité au sein de l’audiovisuel public italien. Les dommages et intérêts demandés par le ministre lui ont été refusés par la justice.

Opposant désigné

Bien que portant sur des faits antérieurs à l’arrivée au pouvoir du gouvernement de Giorgia Meloni, ces affaires qui opposent M. Saviano à des personnalités appartenant à l’exécutif contribuent à l’installer dans une posture d’opposant désigné. Tout en poursuivant sa carrière d’écrivain – son dernier ouvrage Crie le est paru en France en janvier (Gallimard, 528 pages, 24 euros) – il prend régulièrement position dans la plupart des débats de société.

Ses déclarations donnent ainsi lieu, en dehors des salles d’audience, à des polémiques qui ponctuent de loin en loin le débat public italien, les titres de presse de droite se plaisant à faire de lui la cible d’attaques souvent outrancières.

Récemment, ses critiques sur l’approche de la crise climatique par le gouvernement Meloni suite aux inondations meurtrières survenues en mai en Emilie-Romagne lui ont valu d’être présenté comme « Le stupidologue » (La Stupidologo) en « une » de Libero, quotidien de droite souvent provocateur, qui le désigne comme le « gourou de la gauche ».

Le conflit continu qui oppose Roberto Saviano au gouvernement Meloni se poursuit alors que la droite au pouvoir entend s’imposer dans les institutions culturelles et un milieu intellectuel jugé acquis aux idées et aux réseaux d’influence de la gauche. La Rai, l’audiovisuel public, toujours soumis en Italie à l’influence des partis politiques, en a été le premier champ de bataille significatif. L’arrivée aux commandes de l’organisme public de Giampaolo Rossi, un ancien journaliste, soutien fervent et de longue date de Mme Meloni, a inquiété les médias et le monde de la culture, certains allant jusqu’à craindre qu’il s’agisse de la première étape d’un reprise en main autoritaire.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés En Italie, la droite de Giorgia Meloni investit le monde de la culture

Le 20 mai, dans un entretien accordé au quotidien progressiste Domani, M. Saviano avait déclaré que les choix du gouvernement à la tête de la Rai étaient « les pires possibles ». Une semaine plus tard, l’écrivain participait d’ailleurs à la dernière édition du talk show à succès de la Rai « Che Tempo Che Fa », dont l’animateur vedette, Fabio Fazio, de sensibilité de gauche, avait provoqué un choc en annonçant sa décision de quitter la chaîne suite au remaniement effectué à sa tête. Pour Roberto Saviano, le journaliste a été « chassé de la Rai car la droite xénophobe a besoin de son espace [à l’antenne] ».

L’auteur de Gomorra s’est toutefois vu confier une case hebdomadaire sur la chaîne Rai 3, un canal historiquement ancré à gauche de l’audiovisuel public. A partir de novembre, il présentera l’émission « Insider – Faccia a faccia con il crimine », qui sera diffusé tous les samedis et consacrée à des entretiens avec des personnes ayant connu la criminalité organisée de l’intérieur.

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