La mémoire juive de l’Ukraine à Dnipro

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Le Centre Menora, à Dnipro, le 16 octobre 2012.

Dnipro désigne en ukrainien à la fois le Dniepr et la ville d’un million d’habitants, construite sur les deux rives de ce fleuve et appelée, jusqu’en 1926, Ekaterinoslav, en l’honneur de Catherine II, puis, jusqu’en 2016, Dniepropetrovsk, en hommage à Grigori Petrovski, le premier chef de l’Ukraine bolchevique. Il aura donc fallu que Moscou occupe et annexe la Crimée, en 2014, et déclenche le conflit du Donbass, dont Dnipro devint bientôt la base arrière, pour que la ville abandonne la toponymie soviétique et arbore le même nom que son fleuve.

C’est dire que les querelles mémorielles sont toujours ici à fleur de peau, le musée consacré à la seconde guerre mondiale étant désormais concentré sur « l’agression russe dans l’est de l’Ukraine ». Il est flanqué d’une exposition à l’air libre de panneaux routiers mitraillés par l’envahisseur et de trophées militaires pris à l’ennemi.

Le Centre Menora

C’est pourtant à l’histoire juive qu’est consacré le plus important musée de Dnipro. Il occupe quelques étages du Centre Menora, un complexe inauguré en 2012, avec hôtel, salles de conférences, restaurants et département d’aide sociale, qui a contribué à l’assistance aux civils réfugiés du Donbass dès 2014. Le centre, qui porte le nom du chandelier à sept branches, central dans la piété juive, intègre la synagogue historique de la Rose d’Or, le tout sur la rue Cholem-Aleikhem, l’immense écrivain de langue yiddish, né en Ukraine centrale. Le projet du centre doit beaucoup au milliardaire Ihor Kolomoïsky, devenu gouverneur de Dnipro en 2014, avant d’encourager les débuts en politique d’un certain Volodymyr Zelensky. Mais le président ukrainien s’est depuis émancipé de cet encombrant parrainage, allant jusqu’à déchoir Kolomoïsky, en août 2022, de sa nationalité ukrainienne et à faire saisir une partie de ses biens.

Le Centre Menora est marqué par la figure du rabbin Menachem Mendel Schneerson (1902-1994), originaire de Dnipro avant de s’exiler et d’assumer depuis New York, en 1951, la direction spirituelle du mouvement loubavitch. Ce courant de l’orthodoxie juive est aussi appelé Habad, l’acronyme hébreu de « sagesse, compréhension, connaissance ». Il a connu un formidable développement dans le monde entier, sous l’impulsion prosélyte de Schneerson, dont un des disciples, Shmuel Kaminetsky, a mené une véritable « révolution rabbinique » dans la Dnipro post-soviétique.

Alors que la proportion de la population juive avait chuté d’un dixième à quelques centièmes, du fait de l’émigration massive vers Israël, les fondamentalistes orthodoxes ont restructuré la communauté et ses écoles autour d’une pratique à la fois rigoureuse et festive. Les rabbins de Dnipro contribuent par ailleurs régulièrement à la diplomatie interreligieuse que l’Ukraine promeut pour dénoncer l’invasion russe.

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