Il y avait des dizaines de curieux massés près du Binnenhof, le centre du pouvoir à La Haye, vendredi 7 juillet. Ils tentaient de comprendre pourquoi le libéral Mark Rutte, celui qui, en janvier 2022, prenait la tête de son quatrième gouvernement en se présentant comme l’homme de la stabilité, venait de précipiter la chute de sa coalition au bout de 543 jours.
Dans la soirée, à l’issue de trois jours de discussions, les quatre partis composant sa coalition se sont en effet quittés sur un constat de total désaccord à propos de la politique d’asile.
Mark Rutte, qui s’est dit « déçu » mais a évoqué des divergences « insurmontables » avec ses partenaires, a présenté par écrit, dans la soirée de vendredi, la démission de son gouvernement. Le roi Willem-Alexander, rentré de Grèce où il était en vacances, devait s’entretenir avec lui samedi. Des élections auront lieu à l’automne, à l’issue d’une période de gestion des affaires courantes.
C’est une proposition inattendue, formulée mercredi 5 juillet par le premier ministre, désireux de limiter le regroupement familial des réfugiés, qui aura mis le feu aux poudres : Mark Rutte voulait que les personnes ayant fui une guerre – et susceptibles, selon lui, de regagner un jour leur pays d’origine – ne puissent faire venir des proches aux Pays-Bas que s’ils disposaient de ressources financières suffisantes. Des exceptions auraient été accordées pour 200 personnes par mois au maximum.
Précipiter un retour aux élections
« Inacceptable », a décrété le parti protestant centriste ChristenUnie, appuyé par les libéraux de gauche de D66, cette dernière formation tentant toutefois, avec les chrétiens-démocrates qui formaient la quatrième composante du gouvernement, de proposer une solution de compromis ; ils évoquaient un mécanisme de limitation temporaire de l’accueil. Le premier ministre a refusé, manifestement désireux de satisfaire la base de son mouvement, le Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD), qui réclame depuis 2017 une politique migratoire plus stricte.
Prisonnier d’une coalition qui n’était pas vraiment son premier choix et qui a été installée après de très longues négociations, le dirigeant libéral semble, en fait, avoir saisi un prétexte pour précipiter un retour aux élections. Mark Rutte craignait que le problème de l’asile, avec le constat quotidien de centres d’accueil débordés et le refus de nombreux maires d’abriter davantage de réfugiés, ne finisse par affaiblir durablement sa position.
Quelque 20 000 personnes ont introduit une demande d’asile ou de regroupement, selon les services néerlandais de l’immigration. C’est moins que ce que projetait le gouvernement, qui évoquait, en avril, la probabilité de 70 000 demandes pour l’ensemble de l’année. Un nombre qui ne sera sans doute pas atteint mais qui a alimenté le débat, plusieurs responsables libéraux notamment jugeant la situation « intenable ».
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