Dès le début de la contestation contre le régime Assad, en mars 2011, des gangs à la solde du pouvoir sont apparus pour briser ce mouvement. Baptisés « chabiha », ces hommes de main avaient déjà aidé le clan Assad à asseoir son pouvoir durant les années 1970. Au fur et à mesure que la Syrie s’est enfoncée dans la guerre civile, toutes sortes de partisans du régime ont rejoint cette armée de l’ombre, épaulant les forces de sécurité dans leurs basses besognes.
Leur participation à des crimes contre l’humanité, notamment des meurtres et des actes de torture, et à des crimes de guerre, tels que des arrestations et des détentions arbitraires, des violences sexuelles et des pillages, a été établie dès 2012 par une commission d’enquête des Nations unies. Les enquêteurs onusiens estimaient que les chabiha avaient vraisemblablement agi « avec l’assentiment, de concert avec ou à la demande des forces gouvernementales ». Leur lien avec la hiérarchie sécuritaire n’avait pas pu être établi à l’époque, offrant à M. Assad une justification commode pour rejeter toute responsabilité dans leurs agissements.
Mais dans un rapport publié le 5 juillet, la Commission for International Justice and Accountability (CIJA), une ONG composée d’avocats pénalistes internationaux, apporte ce chaînon manquant. Son travail, basé sur des documents officiels, révèle comment les plus hauts échelons du régime syrien ont planifié et mis en œuvre le déploiement de ces miliciens.
Documents utilisés dans des procès
Les enquêteurs de la CIJA ont eu accès à plus d’un million de pages de documents émanant de l’appareil d’Etat syrien qui ont été récupérés au sein de bâtiments gouvernementaux ou militaires, dans les territoires tombés aux mains des rebelles. Une infime partie de ces documents figure dans le rapport, qui se concentre sur le début du soulèvement syrien. Ils ne contiennent pas d’ordres écrits directs intimant de commettre des atrocités, mais ils détaillent la structuration progressive par le pouvoir syrien de ces forces paramilitaires.
« Ces documents, écrits de la plume même du régime, sont la preuve qu’il s’est appuyé sur ces groupes dès le premier jour pour réprimer les manifestations et écraser les rebelles, commente Nerma Jelacic, l’une des directrices de la CIJA. Ces miliciens ne sont pas des brebis égarées devenues hors de contrôle. Ils mettaient en œuvre les objectifs du régime. » Des documents recueillis par la CIJA ont déjà été utilisés dans des procès ouverts contre des responsables du régime syrien, au nom du principe de compétence universelle, en Allemagne, en France, en Suède et aux Pays-Bas.
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