La crise budgétaire doit inciter l’Allemagne à sortir de l’hypocrisie

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Etonnante crise que celle que traverse l’Allemagne depuis le 15 novembre. Parce qu’elle n’a pas respecté les règles sévères dont elle s’est elle-même dotée, la première économie de la zone euro se retrouve en situation de blocage budgétaire, forcée de geler les dépenses, incapable de voter sa loi de finances pour 2024, après avoir reconnu que celle de 2023 était probablement inconstitutionnelle. Jamais, depuis sa formation il y a tout juste deux ans, le gouvernement d’Olaf Scholz n’avait été confronté à une telle crise de crédibilité. Le choc est si sévère que la survie même de la coalition est en jeu.

Comment l’Allemagne, qui se présente si volontiers comme un modèle de vertu budgétaire, a-t-elle pu en arriver là ? Comme souvent dans le passé, le tremblement de terre a été déclenché par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. Dans un arrêt historique, les juges ont, le 15 novembre, censuré une manœuvre financière controversée qui avait joué un rôle central dans la formation de la coalition tripartite dirigée par M. Scholz, à l’automne 2021. Le Parti social-démocrate (SPD), les Verts et les membres du Parti libéral-démocrate (FDP) avaient scellé leur union sur le transfert d’un crédit non utilisé de 60 milliards d’euros, voté à l’origine pour lutter contre les conséquences du Covid-19, vers un « fonds pour la transformation et le climat », hors budget.

L’accord politique reposait sur les bases suivantes : le fonds offrait des ressources suffisantes pour financer, sur plusieurs années, les mesures de décarbonation et de transformation de l’économie souhaitées par les Verts, sans grever les réformes sociales attendues par le SPD. Le tout en respectant le principe constitutionnel du « frein à l’endettement », qui limite à 0,35 % le déficit structurel annuel de l’Etat fédéral, cher au FDP. Le « fonds pour la transformation et le climat » en question est devenu l’outil d’investissement privilégié du gouvernement, depuis la rénovation du réseau ferroviaire en passant par le remplacement des chaudières à gaz, jusqu’à une subvention de 10 milliards d’euros pour une usine de puces à Magdeburg, en Saxe-Anhalt (Est).

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Le recours à ce type de fonds spécial, hors budget, s’est révélé si séduisant que le gouvernement l’a multiplié, créant un fonds spécial pour l’armée, puis un fonds de 200 milliards d’euros pour faire face au choc énergétique de l’automne 2022. Les controverses budgétaires au sein du gouvernement – sur l’accueil des réfugiés ou le soutien à l’Ukraine – ont ainsi été adoucies par des fonds qui contournaient, sans l’assumer, le « frein à l’endettement ».

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