
Vendredi 28 juillet, la compagnie ferroviaire espagnole Renfe ouvrira une nouvelle ligne à grande vitesse permettant de relier Madrid à Marseille. Presque huit heures de trajet et un seul aller-retour par semaine pour l’instant, mais des billets commençant à 29 euros. « Des prix absolument concurrentiels par rapport au secteur aérien », promet Susana Lozano, patronne des lignes à grande vitesse de Renfe, qui concurrence désormais la SNCF sur son territoire avec deux liaisons (Marseille-Madrid et Lyon-Barcelone).
Déjà bousculé sur Paris-Lyon-Milan par l’opérateur italien Trenitalia depuis décembre 2021, Jean-Pierre Farandou, le PDG de la compagnie française, fait mine d’être serein, mais il ne prend pas la menace à la légère, surveillant de près l’équilibre économique du TGV, aujourd’hui principale source de rentabilité de l’entreprise.
Si les bénéfices de cette branche sont au rendez-vous, c’est en effet grâce à quelques lignes très rentables. En tête, il y a les liaisons internationales, qui partent de Paris vers Bruxelles, Cologne, Londres, Amsterdam, Barcelone, Francfort. Il y a aussi des liaisons domestiques : de Paris vers Lyon, Marseille, Colmar ou Strasbourg. D’autres sont moins profitables mais tout de même bénéficiaires, comme Paris-Lille, Calais (Pas-de-Calais) ou Dunkerque (Nord). Beaucoup d’autres, en revanche, coûtent de l’argent à la SNCF.
Jean-Pierre Farandou le dit souvent : six TGV sur dix ne sont pas rentables en France. Les « vaches à lait » compensent les « foyers de perte », mais pour combien de temps encore ? Car lorsqu’on ouvre un marché à la concurrence, les nouveaux acteurs ne se précipitent pas pour faire rouler leurs trains sur les destinations déficitaires. Tous veulent leur part du gâteau profitable, qui, de ce fait, le devient un peu moins.
Pas subventionné par l’Etat
Dans ses prévisions, la SNCF s’attend donc à être fortement attaquée sur ces marchés : la concurrence pourrait prendre un petit tiers du trafic Paris-Lyon ou du Paris-Bruxelles d’ici à 2032 ou un quart du Paris-Londres.
Elle ne voit en revanche personne s’intéresser au Paris-Bordeaux, même si les trains sont pleins, car le coût du péage pour emprunter le tronçon entre Tours et Bordeaux est tel que l’exploitation n’est pas rentable ; il a été construit en concession par Vinci, la Caisse des dépôts et les fonds d’investissement Meridiam et Ardian. Pas de concurrent annoncé non plus sur le Paris-La Rochelle, le Paris-Dijon ou le Paris-Arras, lignes déficitaires.
A la différence des TER ou des trains intercités, le train à grande vitesse en France n’est pas subventionné par l’Etat. C’est une activité ouverte à la concurrence. SNCF Réseau, la filiale qui gère les rails et les sillons ferroviaires, doit mettre l’infrastructure à disposition de tous les opérateurs. Les premières années d’arrivée sur le marché, ils peuvent même demander une ristourne, ce que n’a pas manqué de faire Trenitalia (qui a obtenu un rabais de 37 % pour son exercice inaugural). Selon nos informations, Renfe négocie à son tour durement avec SNCF Réseau, qui a tenté de résister mais a dû se résoudre, sous la pression des avocats de l’espagnol, à ouvrir les discussions.
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