« Comment réencastrer l’avion dans une réflexion démocratique et anthropologique ? »

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Face aux enjeux climatiques, énergétiques et financiers induits par notre entrée dans l’ère de l’anthropocène, il va falloir poser clairement la question des finalités de nos pratiques, usages et organisations du transport aérien mondial. L’amélioration, l’optimisation ou l’innovation technologique ne suffiront pas à faire entrer l’ensemble de nos usages et de nos organisations aériennes dans le périmètre des limites planétaires.

Deux philosophies du design s’opposent aujourd’hui. Pour la première, il s’agit de « redesigner » l’avion en tant qu’artefact. Or, de nombreux spécialistes de l’aviation démontrent que la course à la transition, à l’efficience et à l’optimisation énergétique de l’avion et de ses motorisations a déjà eu lieu. La transition énergétique d’une technologie suit souvent une évolution logarithmique faisant que les premières améliorations techniques permettent d’effectuer les plus grandes économies. L’avion à énergie fossile s’approche donc d’une asymptote, et il faut trouver un nouveau saut technologique. Nous sommes là face à un design typiquement industriel qui a l’avantage de reposer sur des institutions et savoirs modernes bien éprouvés par le capitalisme néolibéral. Ce type de design s’appuie sur des savoirs issus de l’ingénierie, sur des méthodes et des disciplines que l’on sait organiser et canaliser pour répondre à des problèmes techniques délimités et isolables.

Lire aussi l’édito du « Monde » : Pour une utilisation raisonnée de l’avion

Dans le second cas, il s’agit de repenser le design social et anthropologique de l’avion. D’abord, il s’agit de poser clairement la question de la diminution du volume de nos déplacements aériens et d’une rupture avec la logique de quête permanente d’économies d’échelle, qui condamne de nombreuses entreprises à aller chercher des volumes de production ou de vente toujours plus grands. Mais cette question est intimement liée à une autre. Comment réencastrer l’avion dans une réflexion démocratique et anthropologique ? Qu’est-ce que cette possibilité technique si spectaculaire nous permet de faire en tant que société ? Une question a priori anodine mais qui aujourd’hui est peu posée, et surtout qui peine cruellement à être prise en charge.

S’intéresser aux besoins réels

Dans son livre American Prosperity (Viking Press, 1928, non traduit), Paul M. Mazur, célèbre homme d’affaires américain des années 1920, suggérait que le capitalisme moderne se caractérise par une décorrélation entre les besoins et les désirs. « Toute communauté qui vit de produits de base a relativement peu de désirs. La communauté qui peut être entraînée à désirer le changement, à vouloir de nouvelles choses avant même que les anciennes n’aient été entièrement consommées, produit un marché qui se mesure davantage par les désirs que par les besoins. Et les désirs de l’homme peuvent être développés de telle sorte qu’ils éclipsent largement ses besoins. » Pour l’auteur, cette décorrélation est celle qui permet de produire la valeur et la prospérité d’une économie capitaliste.

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