La Côte d’Azur ou le littoral des fantasmes

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Histoire d’une notion. La Côte d’Azur, c’est l’été. Mais ce n’est pas si vrai : le mythe est né en hiver, bien avant l’invention de l’appellation si emblématique qui éclôt en 1887 avec le livre La Côte d’Azur, de l’avocat et dandy Stéphen Liégeard (1830-1925). Longtemps, on ne parle d’ailleurs pas de Côte d’Azur pour cette bande côtière approximativement comprise entre Cassis (Bouches-du-Rhône) et San Remo (Italie), mais de Riviera, qui qualifie plutôt le littoral du golfe de Gênes, terme que popularisent les aristocrates anglais.

La première bascule, qui se joue à Nice à partir des années 1760, vient des mêmes Britanniques, aux avant-postes de deux tendances à la mode. Le Grand Tour, d’abord, ce voyage de formation jusqu’en Italie que tout Anglais de la bonne société se devait d’effectuer. Celui-ci « alimente, dans l’imaginaire des élites européennes, un désir de Méditerranée qui débouche sur la pratique de la villégiature d’hiver dans le Midi », écrivait Alain Bottaro dans la revue In Situ, en 2014. A l’agrément s’ajoute bientôt la santé, sous l’effet des écrits du médecin écossais Tobias Smollett (1721-1771), qui vante « les vertus thérapeutiques d’un climat élevé au rang de panacée par l’école néohippocratique », décrypte le conservateur du patrimoine.

Au fil du XIXe siècle, la future Côte d’Azur est investie par l’aristocratie étrangère. Hyères (Var), tout d’abord, puis Cannes (Alpes-Maritimes) à partir de 1834 et, dans les années 1860, Monaco, Menton et Golfe-Juan (Alpes-Maritimes). « D’autres stations touristiques hivernales suivront, telles Beaulieu-sur-Mer, Cap-d’Ail, Mandelieu », énumère le professeur à l’université Côte d’Azur Jean-Christophe Gay, dans l’Encyclopédie scientifique et technique du tourisme et des loisirs qu’il dirige sur Internet. Le paysage est alors remodelé par un patrimoine singulier, caractérisé par une « architecture majestueuse » de palaces et de villas et l’exotisme de jardins accueillant des plantes tropicales importées à floraison hivernale (orangers, palmiers, bougainvillées…).

« Eau chaude et bronzage »

Par la puissance d’attraction de ses lieux, de la Croisette de Cannes au port de Saint-Tropez (Var) et au casino de Monte-Carlo, ainsi que par ses événements mondialement connus (Festival de Cannes, carnaval de Nice, Grand Prix de Monaco), le rayonnement de la Côte d’Azur devient mondial. En témoignent les « stratégies d’accaparement » de l’appellation inventée par Stéphen Liégeard : dès 1902, le syndicat d’initiative de Nice se requalifie en syndicat de la Côte d’Azur. C’est alors, relève Jean-Christophe Gay, que « Côte d’Azur devient une marque » revendiquée par tout le littoral de la région.

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