« Je suis ton père » : cette phrase légendaire de la saga Star Wars, enveloppée dans la voix caverneuse de Dark Vador, était la sienne. James Earl Jones est mort, lundi 9 septembre, à l’âge de 93 ans, ont annoncé ses agents.
« Repose en paix papa », a réagi, sur la plate-forme X, l’acteur Mark Hamill, qui interprétait Luke Skywalker dans l’opéra intergalactique de George Lucas, et à qui la fameuse phrase, qui a marqué l’histoire du cinéma et plusieurs générations, était adressée.
Au-delà de ses rôles de doublage, notamment en tant que Mufasa dans Le Roi lion, l’acteur afro-américain, souvent affublé d’une moustache en chevron, est reconnu pour sa longue carrière tant sur le grand écran que sur les planches.
Rien ne le prédestinait d’ailleurs à devenir l’une des voix les plus emblématiques de l’histoire du cinéma : jusqu’à ses 8 ans, le jeune James Earl Jones ne parlait quasiment pas en raison d’un important bégaiement. « Bégayer est douloureux. Au catéchisme, j’essayais de lire les cours et les enfants derrière moi se roulaient par terre de rire », racontait l’acteur en 2010 au quotidien britannique Daily Mail.
« Je ne pensais pas devenir acteur »
Né en 1931 dans le Mississippi, Etat ségrégationniste du Sud, James Earl Jones déménage à 5 ans avec sa famille dans le Michigan, dans le nord des Etats-Unis. Il retrouve finalement le contrôle de son élocution grâce à la récitation de poèmes, à l’initiative de son professeur d’anglais, lui-même poète.
Le jeune homme n’envisage pour autant pas encore une vocation artistique, mais plutôt des études de médecine, voire de rentrer dans les ordres. « Je ne pensais pas devenir acteur. Même quand j’ai commencé des études de comédien, je m’imaginais soldat. Et l’idée d’être acteur ne m’est pas venue avant la fin quasiment de mon service militaire », expliquait James Earl Jones, en 1998, à la chaîne publique américaine PBS.
Après avoir terminé son engagement dans l’US Army au grade de lieutenant, il déménage à New York au milieu des années 1950 pour tenter de devenir acteur, tandis que, la nuit, il travaille comme concierge. « J’ai nettoyé pas mal de toilettes », disait-il à la radio NPR en 2014.
L’acteur fait ses débuts à Broadway en 1958 avec la pièce Sunrise at Campobello au théâtre Cort, renommé, en 2022, théâtre James Earl Jones. Entre 1961 et 1964, il joue à New York dans The Blacks, la pièce de Jean Genet intitulée Les Nègres en français, aux côtés notamment de la poétesse Maya Angelou.
Son premier rôle au cinéma intervient avec Docteur Folamour de Stanley Kubrick, où il incarne le lieutenant Zogg à bord d’un bombardier B-52. La thématique militaire reviendra fréquemment dans sa filmographie, notamment à travers son rôle de l’amiral Greer dans la saga de films Jack Ryan (A la poursuite d’Octobre rouge, Jeux de guerre, Danger immédiat), ou encore d’un sergent-major dans Jardins de pierre de Francis Ford Coppola en 1987.
Le méchant le plus célèbre de l’histoire du cinéma
Sa première reconnaissance par le milieu arrive en 1969 avec sa victoire aux Tony Awards, récompenses du théâtre américain, pour son rôle-titre dans la pièce L’Insurgé. Elle raconte l’histoire vraie de Jack Johnson, premier boxeur afro-américain champion des poids lourds, et du « grand espoir blanc » attendu par le public blanc américain pour le détrôner. Succès critique, la pièce sera adaptée en film dès l’année suivante. James Earl Jones y reprend le rôle de Jack Johnson et sa performance lui vaudra une nomination aux Oscars et une victoire aux Golden Globes.
En tout, l’acteur sera nommé quatre fois aux Tony Awards entre 1969 et 2012, et en remportera deux, de même qu’un Tony spécial pour l’ensemble de sa carrière en 2017. En 2012, le cinéma l’avait distingué avec un Oscar d’honneur pour l’ensemble de son œuvre. Parmi ses autres rôles proéminents, figurent celui du roi Jaffe Joffer dans Un prince à New York, et le méchant Thulsa Doom dans Conan le Barbare, dans lequel il affronte Arnold Schwarzenegger.
Mais son rôle le plus emblématique ne le verra donc jamais apparaître à l’écran. George Lucas, le créateur de Star Wars, le choisit, après avoir envisagé Orson Welles, pour interpréter la voix de celui qui deviendra le méchant le plus célèbre de l’histoire du cinéma, Dark Vador. « George voulait une voix plus sombre. Donc il a embauché un gars né au Mississippi, qui a grandi dans le Michigan, qui bégaie, et cette voix, c’est moi », racontait James Earl Jones dans une interview de 2009 à l’American Film Institute.
L’acteur ne voulait pas au départ que son nom apparaisse au générique des premiers épisodes de Star Wars, estimant que son travail s’apparentait plus à des effets spéciaux, préférant que la reconnaissance revienne à l’acteur derrière le masque, David Prowse, selon le magazine spécialisé Far Out.
« Tu nous as donné le meilleur de toi-même »
Sa mort a suscité de nombreux hommages à Hollywood, lundi. « Merci à ce cher James Earl Jones pour tout. Un maître de notre métier. Nous nous tenons sur tes épaules », a écrit, sur X, l’acteur afro-américain Colman Domingo (Rustin, Sing Sing). « Repose-toi maintenant. Tu nous as donné le meilleur de toi-même. »
Le cinéaste Barry Jenkins, qui a réalisé Mufasa : Le Roi Lion – le film sortira en décembre et retrace les débuts du monarque félin et de son rival Scar – a également fait part de son émotion. « Pour toujours et à jamais », a-t-il publié sur X, en accompagnant sa publication d’une photo de James Earl Jones jeune.
« Merci de nous avoir révélé à nous-mêmes », a partagé, sur Instagram, la réalisatrice Ava DuVernay (Selma, Middle of Nowhere). La cinéaste a conseillé à ses fans de revoir Claudine, comédie romantique de 1974 où James Earl Jones incarne un éboueur qui s’éprend d’une femme de ménage noire et mère de six enfants. « C’est l’un de mes films préférés. James Earl Jones est parfait », explique-t-elle.