
« Comandante m’a plu, je l’ai applaudi. » Ainsi s’est exprimé le vice-président du conseil des ministres italien, Matteo Salvini, après la projection qui a ouvert la Mostra de Venise, le 30 août. Sa présence sur le tapis rouge a été d’autant plus commentée, dans la Péninsule, que le long-métrage d’Edoardo De Angelis est une réponse à peine voilée à la politique migratoire mise en place par le tribun d’extrême droite, alors qu’il était ministre de l’intérieur, entre juin 2018 et septembre 2019. Et qu’il s’agissait, de surcroît, du premier des six films italiens sélectionnés en compétition – il fallait remonter à 1982 pour trouver une présence transalpine aussi massive sur la lagune.
Comandante nous immerge dans un sous-genre trop rare du film de guerre, le film de sous-marin. Nous sommes en 1940, la guerre sourd. Le Cappellini est un fleuron de la flotte fasciste, et son capitaine, Salvatore Todaro (Pierfrancesco Favino), a pour ordre de torpiller toute embarcation alliée. Injonction qu’il suit à la lettre, jusqu’à ce que se présente un radeau de naufragés belges, dont il avait précédemment détruit le navire. Contre toute attente, il fait monter les rescapés à bord de son sous-marin, crispant un équipage déjà passablement sous tension. Dans le creuset du Cappellini se cuisinent alors, au propre comme au figuré, les identités collectives : celle de la jeune nation italienne ; celle, en devenir, de la communauté européenne ; et celle, immémoriale et universelle, des hommes de mer.
Inspirée d’une histoire vraie, la fable vaut d’abord par sa morale, d’une transparente actualité : aussi fascistes fussent-ils, ces Italiens-là eurent davantage de cœur que ceux qui, trois quarts de siècle plus tard, refusèrent de porter pareil secours à pareils naufragés. Fallait-il voir, dans les applaudissements de Matteo Salvini, une manière de battre sa coulpe ? Par-delà ces audaces politiques, Comandante illustre, à son meilleur, l’ambition retrouvée du cinéma transalpin, qui n’hésite plus à jouer franco la carte des gros budgets, portée par quelques producteurs (The Apartment Pictures, Indigo Cinema, Wild Side Films…) lorgnant sans vergogne le marché international.
Mimiques scorsésiennes
Comme tant de ses compatriotes récemment, de Nanni Moretti à Marco Bellocchio ou Luca Guadagnino, De Angelis a tourné la majeure partie de son film dans les studios romains de Cinecittà, qui retrouvent peu à peu leur lustre d’antan. Ils sont au cœur, du reste, de Finalmente l’alba, de Saverio Costanzo. Le cinéaste en fait un théâtre d’horreurs et de splendeurs, à travers le regard candide d’une jeune Romaine que le hasard invite sur le tournage d’un péplum, dans les années 1950. Imaginez Le Cheik blanc (1952), de Federico Fellini (1920-1993), revu au prisme de #metoo et de la fantaisie de la belle-sœur de Constanzo, Alice Rohrwacher, et vous aurez l’autre belle réussite italienne de cette Mostra.
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