Mondiaux de natation 2023 : Damien Joly s’est exilé pour essayer de faire exister le demi-fond français

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Damien Joly, pendant le 800 m nage libre aux Mondiaux de natation à Fukuoka, au Japon, mardi 25 juillet 2023.

Aux Mondiaux de Fukuoka (Japon), pendant que Léon Marchand prend toute la lumière, Damien Joly continue de nager, dans l’ombre. « Le demi-fond, c’est moins spectaculaire que du sprint, donc moins médiatique, résume le spécialiste du 800 m et du 1 500 m nage libre. Ce n’est pas facile de se faire une place. » Et ce, en dépit des treize titres nationaux qu’il a conquis sur ses épreuves phares entre 2013 et 2023.

Lire aussi le portrait : Article réservé à nos abonnés Léon Marchand, l’orpailleur en chef de la natation française

Le début des championnats du monde de natation ne plaide pas en sa faveur. Malgré un record personnel en séries du 800 m nage libre (7 min 47 s 44), mardi 25 juillet, Damien Joly ne s’est pas qualifié pour la finale. Surtout, il espérait mieux sur une distance qu’il continue de travailler. « Je suis dégoûté. Je suis déçu parce que je n’ai pas le niveau mondial. En arrivant ici, je pensais être vraiment meilleur. »

Et pour cause. L’athlète a réalisé une saison 2022 qu’il qualifie d’« exceptionnelle » et lors de laquelle il a remporté ses deux premières médailles internationales. Deuxième du 1 500 m lors des Championnats du monde en petit bassin de Melbourne (Australie) en décembre 2022, et un record de France à la clé (14 min 19 s 62), le nageur de 31 ans, chef de file des nageurs tricolores sur ces distances, ne cesse de se bonifier avec le temps.

Une nouvelle organisation personnelle

« C’est une belle récompense après toutes ces années de travail, se réjouit-il. On n’a pas fait tout cela pour rien. Malgré l’âge, je continue de progresser, ce qui est très motivant. » Quelques mois plus tôt, le 16 août 2022, lors des Championnats d’Europe en grand bassin à Rome, Damien Joly avait décroché le bronze sur 1 500 m, « une médaille qu’il n’espérait pas ».

Un changement de dimension qui s’est accompagné d’une nouvelle organisation personnelle. En 2022, Damien Joly a pris la décision de partir s’entraîner avec l’Italien Stefano Morini, à Livourne. Depuis 2017, ce bosseur acharné se préparait sous les ordres de Philippe Lucas, à Martigues (Bouches-du-Rhône), dans sa région natale. « Je ne me sentais pas de continuer encore deux ans [avant le début des Jeux olympiques] avec Philippe Lucas, concède-t-il. J’avais fait le tour [de sa méthode] et j’étais au maximum de ce que je pouvais faire. »

Aux côtés de Stefano Morini, un entraîneur qu’il a connu lors de stages de préparation, Damien Joly retrouve du plaisir et des résultats. Exit les séances à haute intensité – il nage 10 kilomètres de moins par semaine –, le technicien met l’accent sur la musculation et les variations d’allure. « Avec Philippe Lucas, j’étais à fond tout le temps et j’étais très fatigué », reconnaît celui qui côtoie désormais à l’entraînement le champion du monde 2017 du 800 m, l’Italien Gabriele Detti.

Cette méthode de travail n’est pas forcément « plus facile », estime Damien Joly, qui assume son choix : « C’était le bon moment pour changer d’environnement. J’ai acquis la maturité suffisante pour savoir dans quelles séances m’investir et pour mieux gérer ma récupération. » Double champion de France en juin dernier à Rennes sur 800 m et 1 500 m, le nageur demeure la référence nationale du demi-fond en natation. La finale du 800 m – une distance qui pâtit encore d’un manque de prestige – a été une des plus relevées de l’histoire de la natation tricolore, avec sept nageurs sous les 7 min 54 s. « Si j’ai pu participer à l’engouement pour le demi-fond, je suis heureux », précise Joly.

Lors des championnats de France, le natif d’Ollioules (Var) disait son admiration pour plusieurs jeunes nageurs qui pourraient assurer la relève. Parmi eux, Pacome Bricout, 18 ans, double médaillé de bronze à Rennes (800 m et 1 500 m), que Joly a connu lorsqu’il passait son brevet d’éducateur sportif en natation. « Je l’entraînais à Antibes, se remémore-t-il. Il avait déjà des qualités mais il a beaucoup progressé ces deux dernières années. »

Mardi, pour ses premiers Mondiaux, Damien Joly s’est senti bien seul face aux meilleurs nageurs du monde. Il était le seul représentant tricolore – comme lors de la seule finale olympique à laquelle il a participé, sur 1 500 m, à Rio, en 2016. Une configuration qu’il a rencontrée tout au long de sa carrière et qu’il justifie aisément : « En France, on a un peu de retard. On a moins d’entraîneurs spécialisés dans le demi-fond qu’ailleurs », notamment que la Chine, l’Australie ou l’Italie.

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Une faiblesse systémique qui explique les résultats faméliques de la France au niveau international. Outre Laure Manaudou, vice-championne olympique (en 2004 à Athènes) et mondiale (en 2007 à Melbourne) du 800 m, seul David Aubry a réalisé un coup d’éclat sur cette distance (3ᵉ lors des Mondiaux de Gwangju, en Corée du Sud, en 2019). Ce dernier aussi a quitté la France pour l’Italie en septembre 2022 et sera aligné sur le 1 500 m à Fukuoka (les séries, demi-finales et finale se dérouleront les 29 et 30 juillet).

Paris 2024, « objectif ultime »

Pour Damien Joly, les Mondiaux serviront à évaluer sa progression, après une année de travail avec Stefano Morini et en vue des Jeux olympiques. « Ce n’est pas facile de tout changer, raconte-t-il. Je ne veux pas trop m’avancer, mais je pense n’avoir jamais été aussi rapide sur 1 500 m. » Le Varois espère être à son meilleur niveau lors de Paris 2024, l’« objectif ultime » de sa fin de carrière. « Mes précédentes médailles, ce sont des souvenirs incroyables, mais les Jeux restent au-dessus de tout. »

Avant de rêver des JO, Damien Joly va déjà devoir décrocher son ticket. En 2021, avec un temps de 14 min 59 s sur le 1 500 m, il avait manqué la qualification pour Tokyo 2021 d’un rien (deux secondes). « C’était très difficile à digérer, d’autant que j’avais réalisé les minima de la fédération internationale, mais pas ceux de la fédération française », qui étaient plus exigeants. Cette fois, le Français aura une chance de médaille de plus car le 800 m messieurs est également devenu une épreuve olympique, depuis Tokyo. « J’ai mis tout en œuvre pour réussir, que ce soit dans ma tête ou à l’entraînement. Je suis toujours à la recherche de médailles et de titres. »

Une ambition qui sera plus facile à envisager avec une bonne performance sur le 1 500 m nage libre à Fukuoka. Les séries de cette épreuve auront lieu dans la nuit de vendredi à samedi (heure de Paris). « Là, je n’ai pas le choix, il faut que je sois en finale. Ce n’est pas possible autrement. »

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