Ces Africains sur qui Moscou s’appuie pour étendre son influence

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Ils sont militaires, politiques, patrons de presse ou influenceurs des réseaux sociaux. Certains sont des idéologues, d’autres des opportunistes. Connus ou moins, tous ont en commun de défendre les intérêts de la Russie, du Kremlin en particulier, sur le continent africain. Alors que le deuxième sommet Russie-Afrique se tient jusqu’à vendredi 28 juillet au soir à Saint-Pétersbourg, présentation de quelques figures africaines sur lesquelles Moscou s’appuie pour asseoir son influence.

Choguel Maïga, le porte-voix

Le premier ministre malien, Choguel Maïga, 0 new York, en septembre 2021.

En tête des manifestations à Bamako en 2020 pour demander le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta (2013-2020), dont il fut auparavant ministre, Choguel Maïga a longtemps été un acteur de second plan de la politique malienne.

Connu pour son admiration pour le régime militaire et dictatorial de Moussa Traoré (1968-1991), dont il continue de revendiquer la filiation politique, il a pu accéder à de plus hautes fonctions grâce au second coup d’Etat des putschistes maliens, en mai 2021. Les militaires l’ont ensuite placé au poste de premier ministre et ont pu profiter de sa faconde pro-russe et anti-française.

Diplômé de l’Institut des télécommunications de Moscou, Choguel Maïga a été un instrument de la mobilisation à Bamako contre la présence française. Ses discours, en particulier celui prononcé à la tribune de l’ONU, en septembre 2021, dans lequel il avait accusé la France d’« abandon en plein vol » dans la lutte antiterroriste, ont contribué à faire du Mali et de sa personne les symboles d’un nationalisme africain débridé.

Fervent défenseur d’un rapprochement avec la Russie, Choguel Maïga a notamment contribué à organiser le voyage de son homologue burkinabé, Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla, à Moscou en décembre 2022.

Sadio Camara, le soldat dévoué

Le ministre malien de la défense, Sadio Camara, à Bamako, en août 2020.

Ses paroles sont rares, ses actions souvent discrètes, mais le colonel Sadio Camara est un pion essentiel des intérêts sécuritaires russes au Mali et en Afrique de l’Ouest. Depuis son accession au poste de ministre de la défense, dans la foulée du coup d’Etat d’août 2020, cet officier formé en Russie a multiplié les voyages à Moscou pour renforcer la coopération militaire entre les deux pays.

Selon plusieurs sources sécuritaires et diplomatiques, Sadio Camara s’est notamment rendu en Russie pour négocier le contrat encadrant le déploiement du Groupe Wagner au Mali, effectif depuis décembre 2021. Sept mois plus tard, en mars 2022, alors que la Russie vient d’envahir l’Ukraine, c’est encore lui qui s’envole pour Moscou, accompagné d’Alou Boï Diarra, le chef d’état-major de l’armée de l’air.

Depuis, les livraisons de matériel de guerre russe se sont multipliées sur le tarmac de l’aéroport de Bamako, et Sadio Camara ne manque pas de vanter le « partenariat gagnant-gagnant avec la fédération de Russie » lors de la réception d’avions de chasse et d’hélicoptères d’attaque, en août 2022, sans jamais assumer jusqu’à présent la présence de Wagner sur le sol malien.

Il n’empêche : Sadio Camara a été sanctionné par Washington le 24 juillet, avec Alou Boï Diarra et un autre responsable de l’armée de l’air, pour avoir « facilité le déploiement et l’expansion » de Wagner au Mali.

Kemi Seba et Nathalie Yamb, les agitateurs

Le militant anti-colonial Kemi Seba, à Paris, en juin 2020.

Kemi Seba s’est fait connaître en France à la tête de la Tribu Ka, un groupuscule suprémaciste noir et antisémite, dissout par la justice en 2006. Nathalie Yamb a fait ses premières apparitions dans le champ politique en Côte d’Ivoire, comme conseillère de l’opposant Mamadou Koulibaly, avant d’être expulsée d’Abidjan.

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Depuis, le Franco-Béninois et la Suisso-Camerounaise se sont trouvé des ennemis communs : la politique française en Afrique et les chefs d’Etat qu’ils considèrent comme asservis à l’ancienne puissance coloniale. Avec un succès certain sur les réseaux sociaux.

L’indépendance que revendiquent ces deux influenceurs « panafricains » a cependant quelques limites. Le département d’Etat américain les a qualifiés de « maillons essentiels du réseau d’Evgueni Prigojine », ayant « tous deux diffusé de la propagande pro-Kremlin », en participant à des événements organisés par Afric, la société de Prigojine chargée des opérations d’influence russe sur le continent.

Photo de profil du compte Facebook de Nathalie Yamb.

Inconnue du grand public jusque-là, Nathalie Yamb avait fait sensation lors du premier sommet Russie-Afrique, en octobre 2019, en dénonçant notamment « l’enclos français en Afrique » et en soutenant un renforcement de la coopération russe sur le continent, ce qui lui a valu d’être surnommée « la dame de Sotchi ».

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Nathalie Yamb, l’influenceuse qui veut chasser la France d’Afrique

Quant à Kemi Seba, de son vrai nom Stellio Capo Chichi, il a accédé à la notoriété en Afrique en 2017, en brûlant à Dakar un billet de 5 000 francs CFA, considéré comme une « monnaie coloniale ». Il a reconnu avoir été en contact avec Evgueni Prigojine, comme avec d’autres personnalités russes, tout en se proclamant au seul service de l’Afrique.

Nathalie Yamb et Kemi Seba sont apparus côte à côte, jeudi 27 juillet, lors du deuxième sommet Russie-Afrique à Saint-Pétersbourg.

Harouna Douamba, le désinformateur

Photo de profil d’une page Facebook consacrée à Harouna Douamba.

Cet homme d’affaires ivoirien d’origine burkinabée est la tête d’un réseau de désinformation pro-russe et anti-occidental en Centrafrique et au Burkina Faso. Décrit par Reporters sans frontières (RSF) comme un « lobbyiste proche de la galaxie Wagner », Harouna Douamba est devenu un élément clé de la Russie en Afrique en 2018, après avoir fait faillite dans les affaires.

En Centrafrique d’abord, où Wagner venait de se déployer, il a géré la propagande russe à partir du « Bureau de l’information et de la communication en Centrafrique, le centre d’influence mis en place par le groupe au sein de la présidence centrafricaine », selon le collectif international d’enquête All Eyes on Wagner.

En parallèle, M. Douamba s’est servi d’Aimons notre Afrique (ANA), une ONG qu’il a créée en 2011, et de sa filière communication pour lancer une campagne contre la France en Centrafrique en 2018. Ces structures auraient été « financées par Lobaye Invest, la société historique du groupe Wagner en Centrafrique », selon All Eyes on Wagner.

En 2021, après avoir œuvré pour la réélection du président Faustin-Archange Touadéra, son réseau de désinformation a été démantelé par Meta. La maison mère de Facebook a alors supprimé environ 80 de ses comptes et accusé ce système « relié à l’ANA » d’avoir utilisé « de faux comptes pour publier du contenu » pro-russe et anti-français.

Son réseau s’est ensuite déplacé au Burkina, à l’été 2022, où il a poursuivi les mêmes objectifs avec une « agence de performance numérique » baptisée Groupe panafricain pour le commerce et l’investissement (GPCI). Meta l’a également démantelée en mai 2023, qualifiant ses actions d’« opérations d’influence secrète ».

Ahoua Don Mello, le porteur d’affaires

Ahoua Don Mello, ancien porte-parole de Laurent Gbagbo, à Abidjan, en janvier 2011.

Ahoua Don Mello s’est fait connaître du public en étant le dernier porte-parole du président Laurent Gbagbo (2000-2011) avant sa chute. Puis l’ingénieur ivoirien formé à la prestigieuse Ecole nationale des ponts et chaussées de Paris est allé rebondir chez un autre membre de l’Internationale socialiste : le Guinéen Alpha Condé (2010-2021), pour qui il devient en 2017 l’homme des grands travaux après six ans d’exil au Ghana. Une mission qu’il accomplira jusqu’à son renversement, en septembre 2021.

Au moment du coup d’Etat en Guinée, Ahoua Don Mello est en transit à Paris, attendant d’embarquer pour Moscou, où il doit rencontrer d’éventuels investisseurs. La suite est une démonstration de l’opportunisme russe. Plutôt que d’annuler le voyage, ses contacts à Moscou maintiennent sa venue et profitent de l’occasion pour le débaucher.

Recruté par le patronat russe en tant que conseiller spécial chargé des investissements en Afrique, Ahoua Don Mello a depuis étoffé son réseau d’affaires et ajouté une ligne à sa carte de visite. Appuyé par le régime de Vladimir Poutine, il a été nommé en mai 2022 représentant des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.

Justin Tagouh, l’homme des médias

Image issue du compte Facebook de Justin Tagouh.

Journaliste camerounais, Justin Tagouh a fondé en 2008 la chaîne de télévision Afrique Média, qui se décrit comme « le porte-flambeau de l’Afrique qui monte ». Avec 760 000 abonnés sur YouTube, celle-ci ne se contente toutefois pas d’une ligne éditoriale panafricaniste ; elle constitue l’un des principaux relais médiatiques de la propagande russe sur le continent.

Lors de la signature d’un partenariat avec la chaîne russe RT, en décembre 2022, ses titres sont clairs : « L’Afrique et la Russie ont des ennemis communs », « bientôt la fin de la propagande mensongère occidentale », éditorialisent les journalistes à l’antenne. Et Evgueni Prigojine en a été l’invité le 25 juillet.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés En Afrique, la Russie reste un partenaire économique secondaire

Justin Tagouh, qui se présente également sur Twitter comme « éditeur du magazine International Afrique Média et du Courrier confidentiel », est un entrepreneur médiatique bien introduit dans les cercles de pouvoir. Sommet de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba, puis de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) à Kinshasa en février, conférence des Nations unies pour les pays les moins avancés au Qatar et conférence parlementaire Russie-Afrique à Moscou en mars : le Camerounais va de sommet en sommet pour y rencontrer les puissants du continent.

Comme à Sotchi en octobre 2019, les équipes d’Afrique Média couvrent sans regard critique le second sommet Russie-Afrique qui se tient actuellement à Saint-Pétersbourg.

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