L’équipe qui écrit les discours de Joachim Nagel n’arrête pas. Depuis qu’il a pris ses fonctions en janvier 2022, le président de la Bundesbank multiplie interventions et interviews, nettement plus que son prédécesseur, Jens Weidmann. Le plus faucon de tous les membres du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne entend faire entendre sa voix pour prôner une lutte implacable contre l’inflation, martelant son message. « Il est trop tôt pour déclarer la victoire contre l’inflation » (17 juillet). « Si vous laissez l’inflation durer trop longtemps, il est très dur de s’en débarrasser » (10 juillet). « Les taux d’intérêt vont probablement devoir rester à un niveau plus élevé pendant plus longtemps » (6 juillet).
Jeudi 27 juillet, la BCE devrait annoncer une nouvelle hausse de son taux d’intérêt, en principe de 0,25 point, à 3,75 %. Ce sera la neuvième augmentation en neuf réunions, portant le taux d’intérêt à son plus haut niveau depuis l’an 2000. Il s’agit du resserrement monétaire le plus rapide de son histoire. Il s’agit aussi, partiellement, d’une surprise : depuis un an, la BCE, qui avait agi en soutien actif de l’économie de 2012 à 2021, a étonné par son approche plus dure que prévu. Initialement, les marchés financiers anticipaient un taux d’intérêt qui monterait jusqu’à 3 % ; désormais, ils parient plutôt sur 4 %.
Bien sûr, les circonstances expliquent une large partie de cette action sans précédent. L’inflation a atteint un pic de 10,6 % en octobre 2022. Pour la BCE, dont le mandat est de conserver la hausse des prix à 2 %, il était impossible de rester les bras ballants. Mais pour Nicolas Goetzmann, responsable de la recherche économique à la société de gestion Financière de la Cité, l’arrivée de M. Nagel à la Bundesbank a marqué un tournant : « Il a modifié le rapport de force au sein de la BCE. »
Bataille d’influence
Le Conseil des gouverneurs, l’instance décisionnaire, est composé de vingt-six membres : le gouverneur de chacune des vingt banques centrales des pays de la zone euro et six membres du directoire, installés à Francfort. Entre eux se joue en permanence une bataille d’influence politique et intellectuelle.
Lors de l’arrivée de M. Nagel à la Bundesbank, la guerre en Ukraine n’a pas encore commencé. Christine Lagarde, la présidente de la BCE, a déclaré en décembre 2021 qu’il était « très improbable » que les taux d’intérêt augmentent en 2022. Immédiatement, M. Nagel s’oppose à cette ligne, demandant d’arrêter les achats de dette et d’augmenter les taux. Alors que Philip Lane, le chef économiste de la BCE et membre du directoire, rangé dans le camp des colombes, minimise encore les risques de l’inflation, qu’il ne considère pas durable, l’Allemand évoque déjà le « danger » d’une spirale prix-salaires.
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