« Oppenheimer » de Christopher Nolan, le démantèlement d’un génie nucléaire

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Julius Robert Oppenheimer (Cillian Murphy) dans « Oppenheimer », de Christopher Nolan.

L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR

Né en 1904, mort en 1967, Julius Robert Oppenheimer, issu d’une famille juive aisée, compagnon de route du Parti communiste des Etats-Unis d’Amérique, sujet à la dépression, chimiste émérite et physicien de génie, pionnier de la mécanique quantique, est nommé en 1943 directeur scientifique du projet Manhattan, développé dans le plus grand secret à Los Alamos dans le cadre de la course aux armements contre le régime nazi. Oppenheimer est, à ce titre, considéré comme le père de la bombe atomique, mais il infléchira son point de vue après la guerre quant au bien-fondé de l’arme thermonucléaire (bombe H), tout en militant pour un contrôle international de ce type d’armement.

Désavoué à cet égard par le président Harry Truman, suspect aux yeux des conservateurs pour ses anciennes affinités communistes, il est bientôt rattrapé par la frénésie paranoïaque de la chasse aux sorcières, qui le fait comparaître pour espionnage en 1954 devant une commission spéciale où son sort est scellé à l’avance. Finalement reconnu comme un citoyen loyal, il est néanmoins reconnu coupable de graves manquements et évincé, à ce titre, du comité consultatif de la Commission de l’énergie atomique.

Dépourvue de début (rien sur l’enfance) comme de fin (rien sur son devenir après le désaveu), voici, grossièrement esquissée, la part de Robert Oppenheimer que Christopher Nolan choisit de mettre en avant dans ce biopic, son douzième long-métrage. La question qui occupe le cinéaste, pour autant que la structure passablement elliptique du film permette de la discerner, y est de fait tout entière contenue : les scientifiques sont-ils redevables, devant leur propre conscience comme devant le jugement des hommes, de l’usage que les politiques font de leurs inventions ? Vous avez trois heures…

Emboîtement chronologique

C’est le temps que Nolan prend, en tout cas, pour répondre, brillamment comme à son habitude, mais avec ce goût de la conceptualité et de l’emphase qui fait que ses films n’échappent que rarement aux dangers du maniérisme. En ces temps d’infantilisation hollywoodienne, on hésiterait presque à s’en plaindre. On est ici, toutefois, dans l’expression douce de la formule, avec, c’est le moins, la juxtaposition narrative de trois époques, ouvrant chacune par une sorte d’emboîtement chronologique, sur la révision de la précédente.

Prenons l’image des poupées russes pour remédier à l’illisibilité qui pointe. La plus grande et la plus avancée dans le temps – en noir et blanc, on ne sait pourquoi – décrit le passage d’un haut fonctionnaire nommé Lewis Strauss (Robert Downey Jr.) devant une commission qui enquête sur le rôle qu’il a joué dans la mise en accusation et dans la destitution de Robert Oppenheimer quelques années auparavant. Il en ressort que ce rôle, pour des raisons tant idéologiques – Strauss est un conservateur enragé – que personnelles – Oppenheimer l’a publiquement humilié –, fut particulièrement néfaste.

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