
En Afghanistan, rien ne semble pouvoir s’opposer à la politique d’exclusion du régime taliban visant les Afghanes. Condamnées, un peu plus chaque jour, à disparaître de l’espace public, elles se sont vu interdire, le 3 juillet, l’accès aux salons de beauté dans tout le pays par les islamistes revenus au pouvoir le 15 août 2021. Tous ces commerces doivent avoir fermé leur porte d’ici à la fin du mois. Les instituts de beauté étaient les derniers endroits où les femmes pouvaient se retrouver entre elles en dehors de leur maison. Depuis le printemps 2022, l’école est interdite aux filles de plus de 12 ans. Les universités, les jardins publics, les parcs et les salles de sport leur sont également fermés.
Najiba (un pseudonyme) a commencé à apprendre le métier d’esthéticienne à l’âge de 12 ans, aux côtés de sa mère, dans le salon de beauté de cette dernière à Kaboul. Le 9 juillet, cette Afghane de 32 ans a trouvé un décret des talibans collé à la porte de leur salon, ordonnant à toutes les enseignes de fermer avant le 25 juillet. « Depuis que j’ai vu cet ordre, je suis sous le choc. On ne s’y attendait pas du tout », explique-t-elle, jointe par WhatsApp.
L’Afghanistan compte une dizaine de milliers de salons de beauté féminins. Ce nouvel interdit taliban jette, d’un coup, des milliers de femmes hors du monde du travail et les prive de revenus. Najiba, elle, est responsable de toute une famille, depuis ses parents, âgés et malades, jusqu’à sa sœur de 16 ans et son frère de 20 ans, sans emploi. Mariée début juillet, elle s’est, de plus, largement endettée pour la cérémonie. « Maintenant que je n’ai plus de salaire, avec mon mari qui gagne très peu, on se demande comment on va s’en sortir, s’inquiète-t-elle. Nous, les femmes, sommes en train de disparaître. »
Elle se demande si elle peut éventuellement poursuivre son activité à son domicile. « Mes collègues ont posé la question à notre syndicat, dit-elle, et ce dernier a répondu : “Le trafic de drogues est interdit, qu’il soit fait dans l’espace public ou en cachette. Pareil pour les salons de beauté. Si vous décidez de poursuivre vos activités chez vous, vous êtes seules responsables des conséquences.” »
« Nous les femmes n’avons qu’un droit : respirer »
Dans la ville de Kandahar, les talibans ont d’ores et déjà imposé par la force la fermeture des instituts de beauté, bien avant l’échéance officielle de la fin juillet. Le 11, ils ont fait une descente dans le salon où Fatima (un pseudonyme également) travaille. « Ils nous ont dit de rentrer chez nous et ont arrêté notre directrice », explique-t-elle. La directrice a été relâchée le soir même, après s’être engagée à mettre la clé sous la porte définitivement. « Ce gouvernement est contre les femmes », glisse-t-elle.
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