C’est un signe de plus du « réveil » géopolitique de l’Allemagne, tout au moins de la volonté de ses dirigeants de rompre avec une approche des relations internationales longtemps dominée par des logiques essentiellement commerciales. Un mois après avoir publié sa « stratégie de sécurité nationale » – une première depuis la fondation de la République fédérale en 1949 –, le gouvernement allemand a renouvelé l’exercice en dévoilant, jeudi 13 juillet, sa « stratégie vis-à-vis de la Chine ».
« La Chine a changé, et cela nous oblige à reconsidérer nos relations avec elle », pose en préambule ce document de 64 pages. Si celle-ci est « un partenaire, un concurrent et un rival systémique », ainsi que l’a définie la Commission européenne en 2019, « [son] comportement et [ses] décisions font que les éléments de rivalité et de concurrence ont pris plus de poids ces dernières années », constate le gouvernement allemand, qui se dit « préoccupé par les efforts déployés par la Chine pour influencer l’ordre international dans le sens des intérêts de son système de parti unique et pour relativiser les fondements de cet ordre, en particulier les droits de l’homme ».
Face à cette Chine devenue « plus répressive à l’intérieur et plus offensive vis-à-vis de l’extérieur », le gouvernement allemand met tout particulièrement en garde les entreprises contre une trop grande dépendance vis-à-vis d’un pays où leurs investissements n’ont cessé de croître ces dernières années, atteignant un record de 11,5 milliards d’euros en 2022, en dépit de risques géopolitiques accrus. Afin de mettre en valeur les bons exemples à suivre, le chancelier, Olaf Scholz, s’est rendu sur le site de Siemens à Erlangen, en Bavière, jeudi, où le PDG du géant industriel, Roland Busch, a annoncé un investissement d’un milliard d’euros en Allemagne pour moderniser ses capacités de production. « Siemens renforce ainsi la capacité d’innovation de tout notre pays », s’est félicité M. Scholz, quelques heures après l’adoption de la nouvelle « China-Strategie » de l’Allemagne lors du conseil des ministres.
Sur ce point, le message est clair : « A l’avenir, les entreprises qui dépendent fortement du marché chinois devront assumer davantage de risques financiers », a prévenu la ministre des affaires étrangères, Annalena Baerbock, venue présenter le document à l’Institut Mercator sur la Chine, un think tank berlinois fondé en 2013 et où travaillent une vingtaine d’experts. « Il faut que les responsabilités des décisions entrepreneuriales risquées restent claires. Faire confiance à la main invisible du marché en période de prospérité et réclamer le bras fort de l’Etat en période difficile ne peut fonctionner sur le long terme. Même l’une des économies les plus fortes du monde ne peut pas y faire face », a-t-elle ajouté.
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