Le cône majestueux (et parfois maléfique) est posé au-dessus de Catane, de la Méditerranée et des villages qui l’enserrent, profitant de la générosité paradoxale de sa terre. L’Etna est régulièrement entré en éruption au cours de l’histoire, détruisant des maisons, déversant sa lave et dispersant à la ronde cette sabbia vulcanica (« sable volcanique ») à l’effet fertilisant. En mai, l’ultime colère d’une longue série a contraint l’aéroport local à cesser son activité et les habitants à se calfeutrer.
Jamais totalement endormi, le géant fulmine même à bas bruit. Quand les nuages se dissipent tout là-haut, un panache demeure. Si l’ascension vers les cratères est possible avec un guide assermenté, c’est à 900 mètres d’altitude, entre les localités de Milo et de Sant’Alfio, que s’est arrêté Lukas Lewandowski il y a deux ans. Tombé amoureux de la région lors d’une excursion en 2016, ce Polonais trentenaire y est revenu après la pandémie de Covid-19, désireux de donner davantage d’espace à sa vie.
Son appartement d’Amsterdam, partagé avec son mari, Merijn Gillis, ne disposait que d’un « balcon français », ce genre de terrasse où vous alignez à grand-peine une table de bistrot et deux chaises. « Après avoir songé à la campagne néerlandaise, très chère, à la France, puis au nord de l’Italie, c’est finalement ici que nous nous sommes installés », raconte celui qui a eu le coup de cœur pour un ancien pressoir à vin en basalte édifié en 1812 et devenu au fil du temps la résidence secondaire de 400 mètres carrés d’une famille sicilienne.

Casa Lawa était née. Les petites routes mènent à elle, délaissant le rivage ionien où s’étendent des agglomérations balnéaires au charme presque caribéen, avec les rues toutes droites, les maisons basses et la Grande Bleue en ligne de mire. « J’avais envie de donner libre cours à ma passion de l’hospitalité et de la décoration. Merijn et moi, on organisait des dîners très appréciés à Amsterdam. » L’aventure continue en Sicile, au beau milieu d’une nature incroyablement généreuse.
Des chefs en résidence
Au fur et à mesure que l’on monte vers le volcan, la garrigue fait place à une grande variété d’essences, stimulées par la minéralité de la terre. La chaleur est moins écrasante. Il y a parfois de la neige en hiver. En juin, c’est le temps des cerises et on les déguste à pleines poignées. Les cerisiers débordent du verger de Casa Lawa qui compte près de 500 arbres sur 4 hectares ! Pruniers, pêchers, poiriers, pommiers et noisetiers sont aussi de la partie. Dans la campagne poussent des châtaigniers, des fougères, des chênes verts et des genêts, en pleine floraison. C’est la terre des agrumes et des pistaches fabuleuses, que l’on récolte à Bronte, sur l’autre versant. Des aubépines s’accrochent aux haies, des roses adventices éclosent. Au loin, on entend les brebis qui se hâtent, un berger qui les appelle. Vivre ici, c’est profiter du calme, admirer le volcan qui paraît si proche et mettre une petite laine à la nuit tombée. D’ailleurs, ce sera bientôt l’heure du dîner.
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