
Ce sont cinq immeubles de cinq étages, construits en 1984, dans ce qui était alors Berlin-Est. Une centaine d’appartements au total, destinés, à l’origine, aux employés de l’hôpital de la Charité, tout proche. Après la chute du Mur et la réunification, en 1989-1990, la ville de Berlin en est restée propriétaire jusqu’en 2006, année à laquelle elle les a revendus à un investisseur privé pour 2,2 millions d’euros.
Après d’importants travaux comprenant notamment le remplacement des fenêtres, l’isolation thermique des façades et l’installation de panneaux solaires sur les toits, ils ont été revendus de nouveau, en 2018, cette fois pour 20 millions d’euros à un promoteur. Peu après, celui-ci a annoncé vouloir les démolir pour construire à la place des appartements de luxe.
Cinq ans plus tard, les immeubles sont toujours là. Pour combien de temps ? Nul ne le sait. Mais une chose est certaine : sans la mobilisation des locataires, qui ont décidé de ne pas céder aux demandes répétées de quitter les lieux et multiplié les recours pour faire valoir leurs droits, cette partie de la Habersaathstrasse serait aujourd’hui occupée par une de ces résidences flambant neuves qui ont poussé comme des champignons, à Berlin, ces dernières années, symboles d’une ville devenue un eldorado de la spéculation immobilière.
« Je dois souvent me justifier de payer si peu »
Daniel Diekmann fait partie de ces locataires déterminés à ne pas déménager. On peut le comprendre : installé ici depuis une vingtaine d’années, il paie 300 euros par mois son deux-pièces de 40 mètres carrés. En plein cœur de Berlin, à dix minutes à pied de la gare centrale et en face du tout nouveau siège du BND, le service de renseignement extérieur allemand, la même surface se loue aujourd’hui 1 000 euros par mois au bas mot.
« Quand je dis le montant de mon loyer, je dois souvent me justifier de payer si peu, confie-t-il. Je retourne la question aux gens : “Et vous, pourquoi payez-vous autant ?” Si nous nous battons, ce n’est pas seulement pour nous, mais pour défendre une certaine idée de Berlin : une ville du mélange et de la diversité, où le médecin habite à côté de l’infirmière, où il n’y a pas les plus riches au centre et les plus pauvres relégués toujours un peu plus loin, en périphérie. »
Suivi attentivement par la presse locale, le combat des habitants de la Habersaathstrasse a aussi permis de mettre en lumière une autre conséquence de la spéculation immobilière à Berlin : le nombre considérable d’appartements vides, leurs propriétaires préférant les garder vacants dans l’intention de les louer ou de les revendre plus tard à des prix supérieurs à ceux du marché actuel.
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