Guerre en Ukraine : la revanche du Sud

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Trois avions de chasse Rafale de l’Indian Air Force survoleront Paris, dans le sillage de la Patrouille de France. Deux cent cinquante soldats indiens défileront ensuite sur les Champs-Elysées, aux côtés des troupes françaises. Vendredi 14 juillet, Emmanuel Macron réservera tous les honneurs au premier ministre indien, Narendra Modi. En dépit de sa dérive autoritariste, ce dernier n’a jamais été autant courtisé sur la scène internationale. Après ses visites à Washington, fin juin, puis à Paris, M. Modi recevra à New Delhi, en septembre, les dirigeants des vingt principales économies du monde – y compris la Russie – lors de la réunion du G20 que l’Inde préside cette année. Il aura déjà participé, en août, au sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à Johannesburg. Avocat du « multi-alignement », le premier ministre indien se montre soucieux de parler au président américain, Joe Biden, comme au chef de l’Etat russe, Vladimir Poutine. Il s’est imposé parmi les personnalités-clés du Sud global, ce nouveau « continent » que la guerre en Ukraine a fait émerger.

Dès les premières heures de l’agression russe, le 24 février 2022, une masse critique de pays manifestaient leur volonté de se tenir à distance, ou à équidistance, des deux belligérants, Moscou et Kiev, ainsi que des alliés occidentaux du second. Trois jours plus tard, au Conseil de sécurité des Nations unies, alors que Washington et Paris réclamaient une réunion d’urgence de l’Assemblée générale des Nations unies sur l’Ukraine, les Emirats arabes unis s’abstenaient de soutenir l’initiative malgré les accords militaires qui les lient aux Etats-Unis et à la France. Le 2 mars 2022, lors de cette Assemblée générale, trente-cinq pays – parmi lesquels la Chine, l’Inde et dix-sept pays africains, dont l’Algérie et l’Afrique du Sud – jouaient à leur tour la carte de l’abstention, refusant d’exiger de la Russie qu’elle « cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine ». Depuis, les signes de défiance s’accumulent, témoignant de l’affirmation du Sud global.

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Cette nouvelle constellation d’Etats, qui abrite plus de la moitié de la population mondiale, porte un nom ancien. En 1969, un activiste américain hostile à la guerre du Vietnam, Carl Oglesby, avait dénoncé ce conflit comme le point culminant de « la domination du Nord sur le Sud global ». Par ces termes, il désignait des entités géopolitiques que le démographe et économiste français Alfred Sauvy avait baptisées « tiers-monde » en référence au « tiers état » de l’Ancien Régime, à la veille de la Révolution française, en 1789. Ces pays en développement, concentrés dans l’hémisphère Sud, tentaient alors de se démarquer des deux blocs en pleine guerre froide : à l’Est, les pays du pacte de Varsovie regroupés autour de l’Union soviétique, et, à l’Ouest, ceux de l’Alliance atlantique, sous bannière américaine.

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