« Les inconduites scientifiques sont bien plus communes qu’on veut bien l’admettre »

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Ivan Oransky, à New York (Etats-Unis), en 2015.

Ivan Oransky a créé en 2010, avec Adam Marcus, le site d’information Retraction Watch, spécialisé dans l’intégrité scientifique, ainsi que la plus complète base de données recensant les articles retirés de la littérature scientifique (rétractation). La Fondation WoodNext, des donations et des licences d’exploitation de la base de données permettent de financer ces activités. Ivan Oransky, bénévole à Retraction Watch, est aussi rédacteur en chef d’un média spécialisé sur l’autisme, Spectrum, et enseignant en journalisme à l’université de New York.

Pourquoi avoir lancé un média spécialisé sur l’intégrité scientifique ?

Peu de médias, en 2010, s’intéressaient aux inconduites scientifiques, à la fraude ou aux rétractations d’articles. Une histoire nous a montré qu’il y avait un réel besoin d’informer sur ces questions. Adam Marcus avait révélé dans une enquête qu’un chercheur avait fabriqué des données d’essai clinique sur un antidouleur, ce qui le conduira en prison. Des articles du fautif ont été rétractés après ces révélations, mais les éditeurs ont publié, pour accompagner les décisions, des explications erronées ou incomplètes. Nous avons alors considéré qu’il fallait raconter d’autres histoires pour résoudre ces problèmes de manque d’information ou simplement relater que trop d’articles qui devraient être retirés ne le sont pas.

Quelle est la situation ?

Notre base de données recense environ 41 000 articles rétractés, bien plus que d’autres bases. PubMed n’en compte que 13 000. Pour la France, nous dénombrons 519 articles, dont 40 % sont signés uniquement par des auteurs d’institutions françaises. Le Royaume-Uni en a deux fois et demie plus.

La proportion totale augmente avec le temps et atteint environ 0,1 % des quelque trois millions d’articles publiés chaque année. Mais le nombre d’inconduites est très certainement supérieur. D’abord en raison du fait que les éditeurs agissent lentement – quand ils agissent. Dans une étude récente, nous avons estimé que les délais de rétractation d’un article étaient de presque deux ans. C’est vraiment trop long.

En outre, une étude avait montré, en 2009, que 2 % des chercheurs eux-mêmes avouaient avoir déjà triché. Ce qui est plus que les 0,1 % de rétractations…

Quels sont les principaux motifs pour retirer un article ?

On a recensé plusieurs dizaines de raisons, comme des conflits d’intérêts, des violations de l’éthique, des erreurs de l’éditeur… Mais les deux tiers des rétractations concernent des inconduites scientifiques, dont les plus graves sont les falsifications de données (qui rendent le résultat meilleur qu’il n’est), la fabrication (invention) de données et le plagiat. La première catégorie est aussi très diverse et contient des manipulations d’images suspectes ou des réutilisations d’images dans plusieurs articles relatant des expériences pourtant différentes.

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